15 janvier 1208 - La croisade contre les Albigeois est enclenchée
- Par cassius
- Le 15/01/2019
Nous sommes en 1208, dans le Languedoc. C'est en quittant Saint-Gilles, petite agglomération non loin de Nîmes, en fin de matinée du 14 janvier, après avoir signifié, lors d'une entrevue houleuse, que son excommunication ne serait pas "levée" à Raymond VI de Toulouse, "ministre du Diable", rebelle et protecteur d'hérétiques, que Pierre de Castelnau, légat cistercien du pape Innocent III, est exécuté sur les berges du Rhône.
Encore sur les terres de Raymond VI au moment où il s’apprêtait à traverser le fleuve, au gué de Trinquetaille, un écuyer du comte de Toulouse se jeta sur le légat, le frappa "traîtreusement par derrière" de son glaive, et s’enfuit au galop sur son cheval, vers Beaucaire. Pierre de Castelnau ne mourut pas sur le coup : il pria pour que fussent pardonnés les péchés de son meurtrier, reçu la communion "vers l'heure du chant du coq", puis rendit l'âme "aux premières lueurs de l'aube" du 15 janvier.
Profitant de cet événement Arnaud Amaury, cistercien et chef suprême de tous les légats du pape, prêche la guerre sainte contre le comte de Toulouse jusqu'à la cour de France de Philippe Auguste. C'est la fin à toute tentative de réconciliation qui livre pour longtemps le midi de la France à la guerre.
Mais à qui profite ce crime, l'assassinat de Pierre de Castelnau ?
Cet homicide fait incontestablement le jeu du parti des « faucons » autour du pape Innocent III, qui lui-même guette l'occasion d'intervenir en Languedoc. Depuis son élection en 1198, ce grand juriste-né multiplie les mesures contre les déviants (hérétiques ou infidèles) tout en affirmant la plénitude du pouvoir du Saint-Siège sur les monarchies et s'intitulant lui-même vicaire de Dieu sur terre : principes de la théocratie pontificale. Mais, en cette année 1208, il est patent que l'énorme appareil cistercien dirigé par les légats d'Innocent III en Languedoc, et malgré l'assistance de frère Dominique, fondateur de l'ordre des frères prêcheurs, a échoué à réfuter l'hérésie face au peuple. L'hérésie reste ouvertement protégée par les comtes occitans et leurs vassaux, au premier chef Raymond VI, comte de Toulouse.
L'idéologie pontificale est alors mûre pour une croisade en terre chrétienne. Innocent III médite d'appeler les « fidèles chevaliers du Christ », ceux qu'a démobilisés le désastre des croisades en Terre sainte, à défendre la cause de l'Eglise en Occitanie. Mais le roi Philippe Auguste voit d'un mauvais œil les prétentions du pape à s'ingérer dans les affaires d'un des grands vassaux de la couronne de France.
L'assassinat de Pierre de Castelnau sur la route de Saint-Gilles au gué de Trinquetaille, va indéniablement débloquer la situation. Raymond de Toulouse est aussitôt accusé d'être à l'origine de ce crime. A tort ou à raison, il ne pourra jamais s'en disculper. Le roi ne peut faire moins que permettre à ses grands vassaux de France de croiser. Le chemin est libre pour une croisade contre les hérétiques.
Pierre de Castelnau fut enseveli dans la crypte de l'abbaye de Saint-Gilles, près du tombeau de Saint Gilles. Quelques années plus tard, déclaré martyr par le pape Innocent IV, il fut béatifie et l'ancien archidiacre de Maguelonne devint le Bienheureux Pierre de Castelnau.
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