Albert Lebrun (1871-1950)
Président de la République du 10 mai 1932 au 11 juillet 1940
Né le 29 août 1871 à Mercy-le-Haut (Meurthe-et-Moselle), décédé le 6 mars 1950 à Paris
Député de Meurthe-et-Moselle de 1900 à 1920
Sénateur de Meurthe-et-Moselle de 1920 à 1932
Ministre des colonies du 27 juin 1911 au 12 janvier 1913
Ministre de la guerre du 12 au 21 janvier 1913
Ministre des colonies du 9 décembre 1913 au 9 juin 1914
Ministre du blocus et des régions libérées du 23 novembre 1917 au 6 novembre 1919
Président de la République du 10 mai 1932 au 11 juillet 1940
Issu d'une famille de cultivateurs, né au lendemain de la guerre de 1870, Albert Lebrun sera toute sa vie marqué par le souvenir angoissant de cette défaite. Ses études furent tout spécialement brillantes. Après le lycée de Nancy, il présenta le concours d'entrée à Polytechnique, mais insatisfait du rang auquel il avait été reçu, il voulut démissionner ; il fallut l'insistance de certains de ses condisciples pour l'en dissuader. Ce fut heureux : il sortit major de sa promotion. Il sortit également premier de l'Ecole des mines.
Exigeant envers lui-même et extraordinairement scrupuleux, tel apparaît Albert Lebrun au seuil de sa vie politique et tel il demeurera tout au long de sa carrière.
C'est Alfred Mézières, alors député de Meurthe-et-Moselle, qui le poussa vers la politique et il entra dès 1892 au Conseil général où il représenta le canton d'Audin-le-Romain. Il devait en devenir le président en 1906.
Lorsque Alfred Mézières abandonna la Chambre des députés pour le Sénat, en 1900, Albert Lebrun se présenta au siège ainsi laissé vacant dans l'arrondissement de Briey, sous l'étiquette «républicain de gauche » et fut élu.
Il fut encore réélu en 1919, mais dès l'année suivante, il brigua le siège sénatorial laissé libre par le décès d'Alfred Mézières et fut élu le 20 janvier 1920, au premier tour.
Son activité parlementaire fut intense. Dès 1903, il fut secrétaire de la Chambre des députés ; en 1913, il en fut élu vice-président. Il siégea à la commission des travaux publics et des chemins de fer, à la commission de répression du vagabondage, à la commission de l'armée, à la commission de la marine, à la commission des affaires extérieures, des colonies et protectorats, à la commission de réparation des dommages causés par les faits de guerre, à la commission du budget, qu'il présida en 1917.
Il suivit le développement des lignes de chemin de fer, se préoccupa du recrutement de l'armée active et territoriale, intervint dans les discussions budgétaires, s'intéressa à la situation des travailleurs étrangers en France et à la protection du travail national. On ne peut énumérer tous les textes qu'il déposa ou rapporta, toutes les discussions auxquelles il prit part.
Ministre des Colonies le 27 juin 1911 dans le cabinet Caillaux, il demeura à ce poste dans le cabinet Poincaré qui lui succéda, puis, dans ce même cabinet, accepta après bien des hésitations le portefeuille de la Guerre lors de la démission de Millerand. Il fut encore ministre des Colonies dans le cabinet Doumergue du 9 décembre 1913. A la déclaration de guerre, il fut mobilisé comme chef d'escadron d'artillerie et reçut la Légion d'honneur le 28 avril 1915.
Cependant, Clemenceau, devenu président du Conseil en 1917, insista pour qu'il accepte le ministère du Blocus, puis celui des Régions libérées, poste dont il démissionna en 1919, étant en désaccord avec Clemenceau à propos de sa candidature en Meurthe-et-Moselle sur une liste où figurait Louis Marin.
Il fit devant la Chambre sa première intervention comme ministre des Colonies lors de la discussion de l'accord franco-allemand signé le 4 novembre 1911 à la suite du coup d'Agadir. Devenu sénateur, il poursuivit son ascension. Président de la commission de l'armée, il siégea aussi à la commission des finances. Régime fiscal des régions libérées, statut de l'école polytechnique, réparations dues aux victimes civiles de la guerre, création de l'office national de l'éducation physique et des sports, organisation du crédit mutuel et de la coopération agricole en Algérie, telles sont quelques-unes des questions auxquelles il s'intéressa.
Dès 1926, il fut élu vice-président du Sénat et réélu à ce poste chaque année. Cette même année 1926, il fut appelé par Poincaré à la présidence de la Caisse autonome d'amortissement, qu'il conserva pendant cinq ans.
Il songea à se présenter en 1927 à la présidence du Sénat, mais il s'effaça devant Paul Doumer, pour donner à cette élection le caractère d'un hommage national.
Quand Paul Doumer devint Président de la République, en 1931, Albert Lebrun lui succéda au fauteuil sénatorial, après une lutte serrée avec Jeanneney, qu'il battit. IL fut réélu l'année suivante, sans concurrent.
Cette même année, le Président Doumer était assassiné. Albert Lebrun présida l'Assemblée Nationale qui se réunit le 10 mai à Versailles pour lui donner un successeur. La grande majorité de l'Assemblée Nationale était décidée à élire Albert Lebrun.
En 1939, à la fin de son premier septennat, Albert Lebrun accepta d'être à nouveau candidat, se rangeant à l'avis de nombreux hommes politiques qui estimaient indésirable une compétition présidentielle à un moment de tension internationale particulièrement vive. Il fut réélu le 6 avril.
A l'Elysée, Albert Lebrun connut peu de moments heureux. Si l'on excepte les voyages dans les départements, qui resserrèrent l'unité nationale, la réception des souverains anglais et le voyage à Londres, qui accentuèrent l'entente cordiale, il n'est que de citer quelques événements bien connus pour montrer combien l'élément dramatique domina cette période : 6 février 1934, à la suite duquel il appela Gaston Doumergue à la tête du ministère, Front populaire de 1936, avec son cortège de grèves et d'occupations d'usines, dévaluation du franc, plébiscite de la Sarre, assassinat du roi de Yougoslavie, guerre d'Ethiopie, remilitarisation de la rive gauche du Rhin, guerre d'Espagne, Anschluss, Munich, et la montée vers la Deuxième Guerre mondiale.
Albert Lebrun, heurté dans ses convictions profondes pendant la période de Front populaire, songea à démissionner. Il estima cependant préférable de demeurer à son poste où il pouvait peser de tout son poids, dans le respect des règles constitutionnelles, sur les décisions prises dans les conseils ministériels. Vint la guerre. Le second septennat fut brutalement interrompu. Au soir du 16 juin 1940, à Bordeaux, soucieux de respecter les procédures constitutionnelles, Albert Lebrun accepta la démission de Paul Reynaud, une majorité qui envisageait l'ouverture de pourparlers avec les Allemands s'étant dessinée. Le maréchal Pétain fut appelé.
Après avoir préparé son départ pour Perpignan et l'Afrique du Nord, le Président Lebrun se retrouva finalement à Vichy, avec la presque totalité des parlementaires. Le 10 juillet, l'Assemblée Nationale accorda les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. S'estimant lié par ce vote, le Président Lebrun s'inclina, mais ne pouvant poursuivre son mandat jusqu'à son terme, il refusa du moins de signer la moindre lettre de démission.
Albert Lebrun quitte la vie publique et se retire le 15 juillet à Vizille, sans avoir jamais donné sa démission.
Interné par les Allemands du 27 août au 6 octobre 1943 dans le château d'Itter (Tyrol), il est ramené à Vizille pour raison de santé.
Il s'éteint des suites d'une pneumonie le 6 mars 1950 à son domicile à Paris à l'âge de 78 ans. Après des obsèques nationales célébrées à Notre-Dame, il est inhumé dans le cimetière de Mercy-le-Haut, son village natal.
Source : Assemblée nationale, extrait du dictionnaire des parlementaires français