Louis XI le Prudent (1423-1483)
Roi de France de 1461 à 1483
Né le 3 juillet 1423, à Bourges, le petit Louis est physiquement très disgracié, malade de l'estomac et de l'intestin comme tous les Valois, il est, à l'opposé de ses prédécesseurs, le contraire d'un roi-chevalier.
De pauvre apparence (Philippe de Commynes, son précieux conseiller, disait de lui qu'il était "humble en paroles et en habits"), il vit chichement avec des équipages mesquins et préfère les "gens de moyen état", avec qui il aime banqueter, aux grands, qui "peuvent se passer de lui".
Ses plaisirs se limitent semble-t-il à la chasse et aux femmes ! Inquiet de tempérament, il ne tient pas en place. II est toujours sur les routes et fait de rares séjours à Amboise, où vit la reine Charlotte de Savoie, qui lui a donné sept enfants.
Louis XI, fils et successeur de Charles VII est surtout un grand homme politique, à l'esprit sûr et retors à la fois, fin diplomate, ayant le goût du travail et une haute idée de son métier de roi auquel il se dévoue totalement.
Philippe de Commynes l'appelle "l'universelle araignée" car il tend partout ses fils pour prendre ses adversaires ou se faire des amis qu'il n'hésite pas à acheter à prix d'or s'il juge cela nécessaire à sa politique. On l'a dit avare, alors que sa générosité est proverbiale, mais il achète plus volontiers une province qu'un bonnet neuf.
Il est par contre avare du sang de ses hommes. Ses détracteurs le montrent cruel, alors qu'il applique les méthodes répressives de son époque. Il est très autoritaire et même dur, car dit-il à son fils, "en matière d'affaire d'Etat, on n'attend pas que le crime soit commis pour le punir, on le prévient".
Plus diplomate qu’homme de guerre, capable de s'humilier dans les moments difficiles, il essaie d’éviter les batailles par des négociations et des accords qu'il n'a aucun scrupule à violer, poursuivant obstinément ses buts : unifier et agrandir la France.
Louis XI s'est initié aux affaires de l'Etat, à l'administration et à la politique en gouvernant son apanage du Dauphiné, avant d'être sacré à Reims le 15 août 1461. Pendant ces années, le dauphin a comploté contre son père, qu'il déteste.
Chef d'une révolte féodale, il avait dû se réfugier en Dauphiné, puis avait demandé asile à son oncle Philippe le Bon, duc de Bourgogne, ce qui avait fait dire à Charles VII : "Mon cousin de Bourgogne nourrit le renard qui mangera ses poules", prophétie qui se réalisera.
La première tâche de Louis XI lors de son avènement est de se débarrasser des fidèles serviteurs de son père et d'appeler auprès de lui des bourgeois pour mener son œuvre : renforcement de l'autorité royale, lutte contre les "princes", essor économique et liquidation de la guerre de Cent Ans en même temps qu'agrandissement du royaume.
Louis XI exerce un pouvoir absolu et personnel pendant vingt-deux ans et entend faire respecter son autorité tant par les nobles et le clergé que par le peuple : tous sont ses sujets et doivent se soumettre à sa volonté. Pour cela, il renforce la justice, contrôle l'Eglise et établit, pour la première fois en France, l'impôt permanent.
Il s'entoure de conseillers avec qui il travaille en petit comité, se tenant au courant de ce qui se passe dans le royaume qu'il parcourt infatigablement. En revanche, il augmente l'autorité des parlements (c'est-à-dire des cours de justice), notamment du parlement de Paris ; les décisions de ce dernier deviennent obligatoires pour tous les tribunaux du Royaume, dont le nombre est accru (création des parlements de Grenoble, de Beaune, puis de Dijon et de Bordeaux).
De même, Louis XI renforce son contrôle sur l'Eglise en limitant le rôle de la papauté dans le choix des évêques, dont il apprécie plus la docilité que les vertus.
A l'égard de Rome, il abroge d'abord la Pragmatique Sanction de Bourges, en 1461, puis en rétablit l'application, avant de lui substituer le Concordat de Tours, conclu avec Sixte IV en 1472.
Mais le roi ne se contente pas d'imposer son autorité et de faire taire les opposants éventuels en les faisant jeter en prison par des juridictions d'exception, il se donne aussi les moyens financiers d'une administration moderne et d'une politique extérieure dynamique requérant une armée permanente. Possessions de Charles le téméraire.
Pour cela il inaugure la solution de l'impôt permanent. Cette fiscalité, qui n'a plus à être votée par les états, se compose de trois impôts qui, jusqu'en 1789, vont fournir l'essentiel des ressources de la monarchie : les aides d'abord, payées sur la vente des marchandises, la gabelle sur le sel, et la taille, l'impôt direct levé sur la fortune des roturiers (le clergé et les nobles en étant exempts).
La levée de la taille, que Louis XI quadruple pendant son règne, se fait dans le cadre d'une circonscription administrative nouvelle, la généralité, avec, à sa tête, un général des finances.
Enfin, l’autorité de Louis XI s'affirme dans le domaine économique ; la paix avec l'Angleterre lors du traité de Picquigny en 1475 et la renaissance des campagnes françaises permettent un essor encore accentué par des mesures protectionnistes : renouvellement des privilèges de la foire de Lyon, création de l'industrie de la soie à Lyon, puis à Tours, stimulation de l'exploitation des mines (ordonnance de 1471), création de routes et aussi de tunnels, comme celui du mont Viso en 480.
La politique de Louis XI est dominée par sa lutte contre la Maison de Bourgogne : en 1463, il rachète au duc Philippe le Bon les villes de la Somme que Charles VII avait cédées en 1435 pour mettre fin à l'alliance anglo-bourguignonne ; mais, dès 1465, le prince héritier de Bourgogne, Charles le téméraire, attaque la France : le roi est obligé de rendre ces mêmes villes.
En 1467, Charles succède à son père, et, en 1468, il épouse Margaret d'York, la sœur du roi d'Angleterre, ce qui fait craindre un rebondissement de la guerre de Cent Ans, terminée depuis 1453. Louis XI se rend donc à Péronne en 1468, pour négocier avec son adversaire ; mais à peine est-il arrivé qu'on apprend la révolte de Liège soulevée contre le duc par les émissaires du roi. Louis XI s'en tire en aidant Charles le téméraire à réprimer la révolte liégeoise et en lui promettant de donner la Champagne en apanage à son frère Charles de France, gagné à la cause bourguignonne.
Redevenu libre, le roi donne à son frère non la Champagne, mais la Guyenne, puis, en 1471, il déclenche la guerre contre la Bourgogne en envahissant la Picardie. Une mêlée diplomatique et militaire s'ensuit durant six ans.
En définitive, la France annexe la Picardie et la Bourgogne après la mort de Charles le téméraire. L'autre grand terrain d'action de Louis XI a été les rives de la Méditerranée, en prolongement de la politique suivie par les Capétiens, puis par Charles VII.
En 1462-1463, il fait occuper par ses troupes le Roussillon, qui appartient à Jean II roi d'Aragon, sous prétexte d'aider ce prince contre la Catalogne révoltée, puis il transforme l'occupation en annexion, ce qui entraîne un soulèvement roussillonnais contre les Français et leur expulsion en 1473 ; mais, de 1473 à 1475, l'armée de Louis XI reconquiert le Roussillon, qui devient donc français pour une vingtaine d'années (en 1493, le futur Charles VIII devra le restituer).
D'autre part, Louis XI fait pression sur ses cousins d'Anjou, descendants de Louis 1er de Naples, duc d'Anjou (frère de Charles V), pour qu'ils lui laissent à leur mort non seulement leurs apanages (ce qui est la loi) mais aussi leurs possessions étrangères.
L'un d'eux, René 1er d'Anjou dit le Bon roi René, est comte de Provence et roi "in partibus" de Naples ; sa progéniture en ligne masculine étant éteinte, il a comme héritier son neveu, Charles V d'Anjou, comte du Maine, qui n'a pas d'enfant. René meurt en 1480, Charles en 1481.
La Provence passe au roi de France : le royaume atteint les Alpes-Maritimes, Marseille devient le grand port français, ce qui complète et scelle la politique économique de Louis XI.
Celui-ci meurt le 30 août 1483, confiant la France à sa fille, Anne de Beaujeu, la sœur aînée du roi mineur, Charles VIII.