Conjuration, Tumulte d'Amboise - 1560
L’enlèvement avorté du Roi
Après la mort d’Henri II en 1559, Catherine de Médicis est régente pour son fils le roi François II. Le pouvoir effectif est exercé par la régente et par les Guise : le duc François de Guise est lieutenant général du royaume. Les protestants se sentent menacés après l’exécution du conseiller au parlement de Paris Anne du Bourg.
Au début de 1560, de nombreux Protestants reprochent à leurs chefs d'être inactifs, que ce soit Calvin à Genève où les Bourbon en France. Cependant des nobles, commandés par Louis de Condé, se rassemblent autour de Jean du Barry, seigneur de La Renaudie, qui devient le chef du complot. Ils souhaitent "libérer" le roi de l'influence des Guise et obtenir la liberté du culte.
La Renaudie envoie des messagers dans les provinces et de nombreux gentilshommes des provinces françaises répondent à son appel. Parmi bien d'autres, on compte Charles de Castelnau-Tursan et Bouchard d'Aubeterre, Jean d'Aubigné (le père d'Agrippa) du Poitou, Ardoin de Porcelet et Paulon de Mauvans de Provence, ..... Des marchands et artisans des villes de Tours, Orléans, Lyon et Valence sont également complices.
Le premier février 1560, les principaux conjurés se rassemblent à Nantes profitant de la réunion de la Diète tenue dans la ville. L'assemblée se réunit dans une maison appartenant à La Garaye. Ils sont près de 500, venus de toutes les provinces. La date de la conjuration est fixée au 10 mars 1560 et les tâches sont réparties : Castelnau doit s'assurer de la personne du roi, Mazères est chargé d'éliminer les Guises. Tous doivent se diriger sur Blois, Tours et Orléans. La Renaudie est chargé de rendre compte du projet à Louis de Condé. Il se rend à Paris, loge chez l’avocat Avenelles au faubourg Saint-Germain et lui parle du projet. Celui-ci, inquiet mais aussi intéressé, confie le secret à du Tillet, secrétaire des Guises, il en sera d'ailleurs largement récompensé. Dès le 12 février, les Guises sont au courant des préparatifs de la conjuration. François de Guise décide de déplacer la Cour de Blois à Amboise, le château d’Amboise se prêtant mieux à la défense.
Amboise est désormais en état de siège. Il fait changer le personnel de garde prévu et murer une porte difficile à défendre.
Au milieu de février 1560, La Renaudie rassemble près de Tours, en secret, des hommes d'armes venant de partout et en particulier de Normandie, Gascogne et Bretagne, il a aussi des soldats du Wurtemberg et des Hollandais. L'objectif initial est d'aller à Blois où séjourne alors le roi, mais l'objectif change et devient Amboise.
Prévue pour le 6 mars, l'action est d'abord décalée au 16. Des conjurés doivent d'abord s'infiltrer dans le château d'Amboise avec des complicités et ouvrir les portes pour permettre à leurs congénères de pénétrer dans la place. Le duc de Guise lance sa cavalerie dans les bois voisins pour surprendre les comploteurs, les premières arrestations ont lieu dans les bois entourant Amboise à partir du 10 mars. Elles s'intensifient autour de la mi-mars. Le Baron de Castelnau s'est enfermé avec 1500 hommes dans le château de Noizay au nord-ouest d'Amboise. Quand le Duc de Nemours vient lui proposer de se rendre auprès du roi, Castelnau accepte, mais arrivé à Amboise il est fait prisonnier. Ses troupes se rendent. L'affaire tourne mal et Condé qui a quitté Orléans pour rejoindre Amboise est piégé, il rejoint alors les défenseurs du Roi.
Le 17 mars, une troupe de Protestants conduits par Edme de Maligny et Bertrand de Chandieu font une tentative contre la porte des Bons-Hommes à Amboise, ils échouent. Pendant cette action les Guises font donner leur cavalerie par surprise, elle fait prisonnier tous les conjurés simples paysans ou soldats. Une chasse à l'homme est organisée dans les bois environnants. Le duc François de Guise est nommé lieutenant-général du royaume.
Toujours le 17 mars, les premières exécutions commencent, elles sont terribles. Les Guise décident de faire un exemple. Castelnau et d'autres chefs sont décapités et les autres prisonniers sont soit pendus, soit massacrés dans les rues de la ville d'Amboise ou jetés attachés dans la Loire. Les balustrades métalliques de la façade nord du château servent de gibets.
Le 18 mars La Renaudie est capturé dans la forêt de Château-Renault par le baron de Pardaillan. Il est écartelé et coupé en cinq morceaux, à Amboise. Les parties de son corps sont exposées à chaque porte de la ville. La tête est fichée à la pointe d’une lance sur le pont qui enjambe la Loire.
Le Maréchal de Vieilleville a raconté la scène dans ses Mémoires: Le sang ruisselait à travers les rues de la ville et les bourreaux ne pouvaient suffire. Sans jugement préalable on jetait les hommes pieds et mains liés dans la Loire. Celle-ci resta plusieurs jours couverte de cadavres.
La Cour de France s'éloigne alors de la ville où les corps en putréfaction diffusent une odeur pestilentielle. C'est à la suite de cet épisode que les Rois de France cessèrent de venir au Château d'Amboise.
Les suites de la Conjuration
La conjuration crée de la méfiance entre les deux confessions: catholiques et réformés. C'est à partir de ce moment que ces derniers sont qualifiés de "huguenots". Les rescapés de la conjuration d'Amboise essaient de se justifier.
La dureté de la répression est reprochée aux Guise, ceci provoque la montée en puissance du parti des modérés. Catherine de Médicis se décide à reprendre les affaires en main. Michel de l'Hospital est nommé chancelier, Antoine de Bourbon, roi de Navarre est nommé au conseil de Régence et les Etats Généraux sont convoqués à Orléans. Michel de l'Hospital, avec le soutien de Catherine de Médicis, engage une politique de tolérance civile. Une assemblée de notables se rassemble en août à Fontainebleau. Elle décide de convoquer des Etats-Généraux qui vont se réunir en décembre 1560 à Orléans. Mais le 5 décembre 1560, le jeune roi meurt.
Le nouveau roi, Charles IX a dix ans. Catherine de Médicis devient régente. Elle fait libérer le prince de Condé qui avait été arrêté et condamné à mort, se débarrasse des Guises et arrête les persécutions. Catherine de Médicis va tenter une conciliation entre catholiques et protestants. Elle fait organiser un colloque dans la vieille abbaye de Poissy qui s'ouvre le 9 septembre 1561 dans la vaste salle carrée du chapitre. Un mois plus tard le 14 octobre c’est la clôture du colloque qui se termine sur un échec.
Catherine de Médicis, par l'édit de Saint-Germain du 17 janvier 1562 donne entière liberté de culte aux protestants en dehors des villes, l'autorisation de réunir des synodes et la reconnaissance des pasteurs à condition qu'ils prêtent serment aux autorités. Le Parlement de Paris refuse d'enregistrer l'édit. Il faut le contraindre par une lettre de jussion le 14 février 1562. Ce sera le premier d'une longue liste. Il aura pour effet paradoxal d'attiser les haines et d'engager la France dans plusieurs guerres de religion successives.