Soissons - Episode du vase - 487
"...ainsi tu as fait à Soissons avec le vase. "
Le "vase de Soissons" est un objet religieux restitué par Clovis, un roi païen de 20 ans, à un évêque chrétien qui lui en avait fait la demande. Il faisait partie du butin amassé en 486 après la chute de l'empereur romain Syagrius lors de la bataille de Soissons. Cette restitution n'allait pas de soi, car dans la tradition des Francs, les richesses amassées doivent être partagées à parts égales entre les guerriers, et c'est le sort qui doit décider de ce qui revient à chacun.
Le jour de la distribution venu, les trésors furent déposés sur la place. Le roi prit alors la parole. « Je vous prie, mes braves guerriers, de vouloir bien m'accorder, outre ma part, ce vase que voici. » Ses hommes, lui reconnaissant une autorité supérieure, acceptèrent volontiers. L'un d'eux pourtant se révolta. « Tu recevras de tout ceci rien que ce que te donnera vraiment le sort. » Disant cela, il assena un coup de sa francisque sur le vase en question. L'objet, endommagé, fut tout de même restitué à l'évêque. Un an plus tard, Clovis passa ses troupes en revue sur le Champ de Mars. Parvenu devant celui qui s'était jadis opposé à son autorité, il lui fit violemment reproche de sa mauvaise tenue et lui arracha sa francisque des mains. Le soldat se pencha pour la ramasser. Clovis lui fendit alors le crâne d'un coup de hache en s'écriant: "ainsi tu as fait à Soissons avec le vase ". Par cette mort, la vengeance du roi inspira la terreur et le respect à tous les francs.
Cette histoire vraie a une portée symbolique forte, qui explique une part de son importance dans la mémoire collective : on voit que Clovis s'éloigne de la tradition des guerriers francs pour instaurer une nouvelle loi où l'autorité est plus centralisée. Il instaure son pouvoir par une violence différée qui montre qu'on ne bafoue pas son autorité impunément, même quand on a l'illusion de l'avoir fait. Cette punition, tardive mais foudroyante, concerne aussi l'Église et ses biens. On a donc une préfiguration de l'alliance entre l'Église et l'État, que l'on retrouvera en 499 lors de ce que certains appelleront plus tard "le baptême de la France".
Des éléments laissent à penser que Rémi était l'évêque qui avait fait demander le vase. Celui-ci était probablement en argent (donc cabossé et non brisé par la hache du soldat). Très vraisemblablement, le vase de Soissons venait d'une église... de Reims