Premier plan Jean Monnet (1947-1953)
C'est le 3 janvier 1946 que le Général de Gaulle, alors Président du gouvernement provisoire, créa, sur la proposition de Jean Monnet, le Commissariat général du Plan et lui fixa la mission de préparer la modernisation de la France.
Dans l’immédiat après-guerre, l’idée de planifier l’économie française – qui avait séduit de nombreux hommes politiques durant l’entre-deux-guerres – est devenue une nécessité afin de permettre à la France de moderniser ses structures économiques.
L’artisan de la planification en France est Jean Monnet, qui réussit à convaincre le général de Gaulle de la nécessité d’élaborer un plan pour permettre la reconstruction et la modernisation de la France. Le 3 janvier 1946 est créé le Commissariat général du Plan et Jean Monnet est nommé à sa tête.
Ainsi la nomination et l’action empirique, souple et non autoritaire de Jean Monnet et de son équipe ouvrirent la phase des plans de reconstruction (1946-1961), qui avaient trois fonctions principales : la coordination, l’impulsion et l’animation.
Le premier Plan de modernisation et d'équipement (ou plan Monnet) est resté dans la mémoire collective comme celui qui, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, a exprimé en chiffres et traduit en actions concrètes le dilemme "modernisation ou décadence" .
L’analyse économique du plan Monnet était centrée sur six secteurs de base (charbon, électricité, ciment, machinisme agricole, transport et acier) et elle a été réalisée à partir des chiffres de production de 1929, 1938 et 1946.
C’est sous l’impulsion de Jean Monnet et de son équipe de collaborateurs que le Plan de modernisation et d’équipement a été élaboré à partir de ces données, en coopération avec les ministères intéressés, sur la base des travaux de dix-huit commissions de modernisation et d’équipement. Ces dernières étaient composées de chefs d’entreprise, de syndicalistes et de fonctionnaires.
Lors de la première séance du Conseil du Plan, le 16 mars 1946, le commissaire général présente à ses membres un premier rapport qui sert de base au travail des commissions. Le 27 novembre 1946, le Conseil du Plan est réuni une deuxième fois pour examiner le Rapport général du premier Plan de modernisation et d’équipement qui leur est remis par Jean Monnet. C’est au cours de la troisième et dernière session du Conseil du Plan convoqué le 7 janvier 1947 que ses membres entérinent le Rapport général et adoptent ses conclusions.
Le 14 janvier 1947, le gouvernement décide de mettre en œuvre le plan Monnet, par décret le 16 janvier 1947. Le Plan devait à l’origine se déployer au cours de la période 1947-1950, mais sa durée initiale a été prolongée jusqu’en 1952 pour coïncider avec le déploiement du plan Marshall en France. Le plan Marshall a contribué à la réalisation du premier Plan en finançant les investissements des secteurs de base.
Les objectifs du premier Plan
Ses principaux objectifs étaient de répondre à la situation de retard économique et de pénurie observée en France :
- assurer un relèvement rapide du niveau de vie de la population, et notamment de son alimentation ;
- moderniser et équiper les activités de base (houillères, électricité, sidérurgie, ciment, machinisme agricole et transports) ;
- moderniser l'agriculture ; affecter à la reconstruction le maximum de moyens, en tenant compte des besoins des activités de base et en modernisant l'industrie des matériaux de construction et celle du bâtiment et des travaux publics ;
- moderniser et développer les industries d'exportation pour assurer en 1950 l'équilibre de la balance des comptes.
La base de départ était ainsi créée pour entreprendre, au cours d’une seconde étape, la transformation des conditions de vie et notamment du logement.
Le Plan assigne à chaque secteur des objectifs chiffrés importants. Jean Monnet propose d’atteindre en 1950 un dépassement de 25 % de la production maximale atteinte en 1929, selon la progression suivante :
- fin 1947 : atteindre le niveau de 1938 ;
- milieu 1948 : atteindre le niveau de 1929 ;
- en 1950 : atteindre +25 % du niveau de 1929.
Les résultats
Par le nombre restreint d'objectifs retenus et l'unanimité autour d'eux, le premier Plan a été bien exécuté. En effet, les objectifs fixés par le Commissariat du Plan ont été atteints dans leur ensemble et la priorité accordée aux secteurs de base s'est révélée efficace.
Enfin, le Plan a insufflé un nouvel état d'esprit parmi les chefs d'entreprise, sans porter atteinte à l’initiative privée. La place de l’État dans le système productif, renforcée par les nationalisations de l'après-guerre et le contrôle des prix, favorise une bonne maîtrise des évolutions économiques.
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Qui était Jean Monnet ?
Né le 9 novembre 1888 à Cognac (Charente) dans une famille de négociants, il est chargé d’organiser, pendant la Première Guerre, l’approvisionnement des armées et devient, en 1919, secrétaire général adjoint à la Société des nations (SDN) qu’il quitte en 1923.
Après une carrière de financier international, en 1939 il préside le Comité de coordination de l’Effort de guerre allié, il est membre du Conseil anglo-américain de production d’armement aux Etats-Unis (1940-1943).
A la demande de Roosevelt, il va à Alger pour conseiller Giraud, et lui inspire le discours démocratique du 14 mars 1943 et joue un rôle important dans l’arrivée de De Gaulle. Commissaire à l’Armement du CFLN, il négocie en 1944 les accords de prêt-bail avec les Etats-Unis.
Il est le premier Commissaire au Plan (1947-1952) avec le souhait de moderniser la France. Chargé, dès 1950, d’élaborer le traité de la Communauté du Charbon et de l’Acier, il est président de la Haute-Autorité de la CECA (1952-1954). En 1955, il crée et préside le Comité d’action pour les Etats-Unis d’Europe.
Il meurt le 16 mars 1979, et les cendres du "père de l’Europe" sont transférées au Panthéon le 9 novembre 1988.