EGBERT le GRAND (v.775-839) - Maison de Wessex

Ou Ecgberht, roi de Wessex de 802 à 839

Egbert de Wessex (c. 770-839, r. de 802 à 839 ; aussi appelé Ecgberht, Ecbert) fut le roi du Wessex le plus puissant et le plus influent avant l'avènement d'Alfred le Grand (r. de 871 à 899). Egbert monta sur le trône à une époque où le royaume voisin de Mercie dominait le Wessex et contrôlait son roi Beothric (786-802) via une alliance scellée par un mariage. Il semble qu'Egbert ait pris le temps de rassembler son armée et ses ressources, avant de rencontrer les armées merciennes et de les vaincre à la bataille d'Ellandun en 825. Il s'empara alors rapidement du territoire mercien, plaça son fils Æthelwulf (r. de 839 à 858) à sa tête en tant que roi client et mit ainsi un terme à la domination mercienne. Egbert fut le premier roi de Wessex à avoir complètement soumis la Mercie. La stabilité qui allait en découler devait permettre d'accélérer le développement du royaume et lui donner les ressources suffisantes pour tenir tête aux raids des Vikings. À l'époque de sa mort, sa puissance était telle que la Chronique anglo-saxonne le désignait comme le souverain de toute la Bretagne, et pas seulement du Wessex.

Jeunesse et ascension au pouvoir

Egbert est probablement né dans le Kent, "fils d'Eahlmund (r. de 784 à 785), éphémère souverain de ce royaume" (Collins, 196). La Chronique anglo-saxonne le prétend originaire du Kent, mais de plus récentes études lui attribuant une origine du Wessex semblent remettre en question cette hypothèse. On ne sait rien de sa jeunesse en dehors d'une possible relation avec Eahlmund et de l'affirmation selon laquelle il aurait pu faire remonter ses ancêtres à Cerdic (r. de 519 à 540), le fondateur et premier roi du Wessex.

Cependant, cette revendication est le fruit de généalogies plus tardives, toutes rédigées par des copistes du Wessex après qu'Egbert se soit imposé comme un roi puissant, ce qui pourrait remettre en cause leur fiabilité. En effet, lier Egbert à Cerdic aurait permis à ce dernier de rehausser son prestige. Il était d'ailleurs assez courant que les scribes royaux attribuent à leur souverain des généalogies impressionnantes, même sans la moindre preuve de leur exactitude. Malgré tout, il est possible qu'Egbert ait été un descendant de Cerdic, du reste, il n'y avait rien d'inhabituel à ce qu'un noble Saxon de l'ouest soit également lié au royaume du Kent.

Il est néanmoins probable qu'Egbert ait été originaire du Kent par le roi Egbert de Kent (r. de 664 à 673) ou, presque certainement, Egbert II (r. de 765 à c.779), père d'Eahlmund. Si on lui attribue une origine kentienne, il aurait grandi durant la période de suprématie des Merciens sur le royaume. Le roi Cuthred de Wessex (r. de 740 à 756) avait vaincu la Mercie et élevé le Wessex (et donc le Kent) au cours de son règne, mais ces gains furent dilapidés sous les règnes de ses successeurs Sigeberht (r. de 756 à 757) et Cynewulf (r. de 757 à 786). Au moment de la naissance d'Egbert, vers 770, la Mercie était la puissance dominante et contrôlait le Kent par l'intermédiaire de rois clients (comme elle l'avait fait, par intermittence, dès 664).

Le Kent vainquit la Mercie lors d'une bataille se déroulant vers 776 de notre ère, sous le règne d'Egbert II. Il conserva ensuite son indépendance sous le règne d'Eahlmund, mais le roi Offa de Mercie (r. de 757 à 796) réaffirma son pouvoir en 785 et prit à nouveau le contrôle du royaume. En 786, Cynewulf du Wessex mourut et le noble Beorhtric (r. de 786 à 802) était en position de prétendre au trône, mais il fut défié par Egbert, qui semblait surgir de nulle part pour revendiquer son droit à régner sur le Wessex (ce qui justifie son appartenance à la noblesse du Wessex). Beorhtric était soutenu par Offa qui scella un contrat avec le Wessex en mariant sa fille Ædburh à Beorhtric ; Egbert fut contraint à l'exil et se réfugia en Francie.

À cette époque, la Francie était un empire uni sous le règne de Charlemagne (roi des Francs 768-814, Saint-Empereur romain germanique 800-814) qui étendit sa protection au jeune exilé. Il semble que Charlemagne n'ait guère prisé Offa. On rapporte en effet qu'il se serait indigné après que ce dernier lui eut proposé une alliance devant être scellée par le mariage d'Ecgfrith, le fils d'Offa (r. 796), avec Berthe, l'une de ses filles. Malgré cela, Charlemagne ne fit toujours rien pour contrer les plans d'Offa dans le Wessex, peut-être parce qu'il reconnaîssait à Beorhtric la supériorité de son droit au trône sur celui d'Egbert.

Offa mourut en 796 et Ecgfrith, son successeur, le suivit rapidement dans la tombe. Le noble Cenwulf de Mercie (r. de 798 à 821) monta alors sur le trône (probablement après avoir assassiné Ecgfrith) et poursuivit la politique d'Offa en ce qui concernait le Wessex et son roi. Il maintint la supériorité des Merciens dans la région et le Wessex fit plus ou moins office de royaume client. À cette époque, Egbert était toujours en exil en Francie, mais, à la mort de Beorhtric en 802, Charlemagne semble avoir soutenu les droits d'Egbert à la couronne et celui-ci devint roi du Wessex.

Début de règne et bataille d'Ellendun ou bataille de Wroughton

On ne sait pas grand-chose des 20 premières années du règne d'Egbert. Il serait toutefois parvenu à réaffirmer l'indépendance du Wessex vis-à-vis de la Mercie, mais il n'y a aucune trace de la manière dont il s'y est pris ni de campagnes militaires opposant les deux royaumes. Quoi qu'il en soit, vers 815, Egbert conduisit ses armées vers l'ouest pour conquérir la région de Domnonée (la Cornouaille moderne) située à sa frontière. Ces campagnes avaient probablement été motivées par les contacts portuaires et commerciaux lucratifs avec la Domnonée, ainsi que par ses compétences en matière de métallurgie et d'autres ressources dont Egbert aurait eu besoin pour agrandir et équiper son armée.

Le Wessex était sous la domination de la Mercie depuis 785 et il n'existe aucune trace d'activité militaire sous le règne de Beorhtric. Bien qu'il n'y ait pas non plus de traces d'une quelconque militarisation du Wessex au début du règne d'Egbert, c'est sans doute là qu'il concentra ses efforts car, entre 815 et 820, il put mener une campagne efficace en Domnonée et, en 825, il put monter une offensive efficace contre la Mercie elle-même.

Cenwulf de Mercie mourut en 821 et son frère Ceolwulf Ier lui succéda (r. de 821 à 823). Il fut ensuite déposé par le noble Beornwulf (r. de 823 à 826) alors qu'Egbert rassemblait ses forces qui remporteraient la bataille d'Ellendun, mettant fin à la suprématie des Merciens. L'entrée dans la Chronique anglo-saxonne pour l'année 825 se lit de la façon suivante :

"Egbert, roi des Saxons de l'Ouest, et Beornwulf, roi de Mercie, se livrèrent une bataille à Wilton [dans le Wiltshire actuel], au cours de laquelle Egbert remporta la victoire, mais il y eut un grand nombre de morts des deux côtés. Il envoya alors son fils, Aethelwulf, dans le Kent à la tête d'un important détachement du corps principal de l'armée, accompagné de son évêque,  Eahlstan, et de son alderman, Wulfheard, qui chassa le roi Baldred vers le nord, au-delà de la Tamise. Les hommes du Kent se soumirent alors à lui, ainsi que les habitants du Surrey, du Sussex et de l'Essex."

Les détails de la bataille d'Ellendun ont été perdus, ou n'ont jamais été consignés, et la Chronique anglo-saxonne est réputée pour la concision de ses notices, de sorte qu'il n'existe aucun compte rendu de la façon dont Egbert avait mobilisé ou dirigé son armée. En tout état de cause, quelle qu'en ait été la raison, la campagne fut un succès. Même si la Mercie devait plus tard se reprendre et récupérer une partie de son territoire et de son indépendance, elle ne serait jamais plus la puissance qu'elle avait été avant Ellendun. La Chronique fait état d'une série de victoires après Ellendun et en 827, on peut y lire : "Egbert, au cours de la même année, conquit le royaume mercien et tout ce qui se trouvait au sud de l'Humber, et devint le huitième roi souverain de tous les territoires britanniques."

Suprématie du Wessex

Bien que la Chronique anglo-saxonne présente l'année 827 comme celle de la suprématie absolue du Wessex, cette date a été remise en question par des preuves archéologiques et littéraires. La Mercie avait perdu de son territoire, de son pouvoir et de son prestige, mais était toujours dirigée par des rois merciens. Beornwulf survécut à la bataille d'Ellendun mais trouva la mort en combattant les Angles de l'Est en 826. Ludeca (r. de 826 à 827) lui succéda et mourut au combat l'année suivante en essayant d'achever la campagne de Beornwulf visant à réprimer la révolte de l'Est Anglie. Wiglaf (r. de 827 à 829, 830-839) monta alors sur le trône et fit de son mieux pour conserver une certaine forme d'autonomie de la Mercie vis-à-vis du Wessex.

L'on tend aujourd'hui à considérer que la mention dans la chronique de l'année 825, rapportant le fait qu'Egbert avait envoyé Æthelwulf dans le Kent pour déposer Baldred, est erronée de quelques mois ou peut-être même d'une année entière et que cet événement se serait plutôt produit en 826. Sous le règne de Beornwulf, Baldred était le roi client du Kent, sa perte aurait donc été de grande conséquence pour la Mercie. Suite à l'éviction de Baldred, Egbert attribua la royauté du Kent en tant que suzerain d'Æthelwulf qui lui servit de roi client dans cette région ainsi que dans l'Essex, le Sussex et le Surrey.

Entre 825 et 829, Egbert continua d'étendre son royaume aux dépens de la Mercie. En 828, il conquit le nord du Pays de Galles et en 829, il accepta la soumission du royaume de Northumbrie. Dans le même temps, il chassa Wiglaf de son trône et prit le contrôle direct de la Mercie. Vers l'an 830, il était le roi le plus puissant du pays et le Wessex contrôlait les ressources et le commerce du sud

Perte de la Mercie et raids des Vikings

Bien qu'Egbert soit parvenu à conserver le contrôle du nord, son emprise sur la Mercie s'affaiblit en 830 lorsque Wiglaf de retour d'exil reprit son trône. On a avancé de nombreuses théories pour expliquer la résurgence de la Mercie, mais la plus vraisemblable est le retrait du soutien de l'Empire carolingien au Wessex. L'empire des Francs était stable sous le règne de Charlemagne mais, à sa mort en 814, son fils Louis le Pieux (r. de 814 à 840 ), qui lui succéda, avait plus de mal à administrer son immense domaine.

Toutefois, ce n'était pas seulement la taille de l'empire qui posait problème, mais aussi la disparition de l'imposante présence de Charlemagne. En effet, tout au long de son règne, Charlemagne s'était engagé de façon quasi ininterrompue dans des campagnes militaires couronnées de succès. En conséquence, les Scandinaves, les Saxons et les Slaves, le tenaient pour invincible en bataille et peu d'entre eux étaient disposés à l'affronter, même avant les guerres saxonnes (722-804) au cours desquelles Charlemagne avait conquis la Saxe au prix de milliers de morts.

Peu après sa mort, en 820, la Francie occidentale connut son premier raid viking. Cet assaut fut facilement repoussé par la Garde côtière car les Vikings furent surpris de rencontrer une telle résistance ; mais ils devaient revenir plus tard en plus grand nombre et bien mieux préparés. Au cours des années 820, Louis le Pieux aurait encore été en mesure de consacrer une partie conséquente de ses ressources au soutien d'Egbert dans le Wessex mais, à mesure que la décennie avançait, il dut faire face tour à tour à des incursions slaves, à des rébellions, puis à une série de guerres civiles et avait donc d'autres chats à fouetter.

Néanmoins, contrairement à ce que prétendent certains chercheurs, cela ne signifie pas pour autant que le pouvoir du Wessex ait décliné après 830. En 831, la Mercie était un État autonome, fonctionnant sans tenir compte des intérêts du Wessex, mais elle était loin d'être aussi puissante qu'elle l'avait été jadis et ne le serait plus jamais. Les historiens qui affirment que le Wessex connut une période de déclin dans les années 830 s'appuient sur la défaite d'Egbert face aux Vikings en 836. Cependant, il ne s'agissait que d'une seule défaite face à un adversaire jusqu'alors inconnu, ce qui ne suffit pas à caractériser un déclin.

En 836, les Danois débarquèrent à Charmouth (aujourd'hui Carhampton dans le Somerset) avec une flotte de 35 navires où ils furent accueillis par Egbert et son armée. La Chronique anglo-saxonne pour cette année-là indique qu'un grand massacre prit place et les Danois restèrent maîtres du terrain, ce qui semble indiquer une victoire importante pour les envahisseurs vikings.

Les Vikings semblent avoir conclu un traité d'alliance avec le peuple cornique de Domnonée, qui était assujetti au Wessex depuis les campagnes d'Egbert, vers 815. On ne sait pas exactement ce que les Vikings firent après la bataille de Charmouth, mais il est certain qu'ils restèrent dans la région car, en 838, alliés à l'armée de Domnonée, ils affrontèrent Egbert et son armée à la bataille d'Hingston Down. Selon la Chronique anglo-saxonne, les forces combinées des Vikings et de la Domnonée auraient déclaré la guerre au Wessex et pris position dans l'actuelle Cornouaille, mettant Egbert au défi de les y affronter. La Chronique anglo-saxonne pour 838 continue : "Lorsqu'il [Egbert] eut vent de la chose, il partit à leur rencontre à la tête de son armée et livra bataille à Hengeston (Hingston Down) où il mit les deux armées en fuite", remportant la victoire et mettant l'ennemi en déroute.

Bien que le Wessex n'ait plus été en mesure d'exercer le même degré de pouvoir sur la Mercie après l'année 830 environ, Egbert avait encore la capacité de mobiliser des effectifs et de remporter des batailles jusqu'en 838, l'année précédant sa mort. Sa défaite de 836, parfois attribuée à un manque de ressources ou de soutien de la part de Louis le Pieux, pourrait tout aussi bien avoir été causée par un manque de préparation et par l'effet de surprise. Tout comme les Vikings avaient été facilement vaincus par la Garde côtière de Francie occidentale en 820, il est probable qu'Egbert ait été vaincu en 836 pour la même raison : il ne savait pas à quoi s'attendre de la part de ses adversaires. Les Vikings ne livraient pas bataille de la même manière que les Francs ou les Saxons occidentaux. Egbert le comprit après Charmouth et fut donc mieux armé pour les affronter en 838.

Le roi dans Vikings et sa postérité

Egbert mourut de causes naturelles en 839 et son fils Æthelwulf lui succéda sans opposition grâce au soutien de l'église. Dans la série télévisée Vikings, on voit Egbert accorder des terres à des colons vikings qu'il trahirait plus tard, envoyer Æthelwulf massacrer la colonie viking, puis accorder des terres à d'autres Vikings alors qu'il avait auparavant secrètement abdiqué en faveur d'Æthelwulf. Aucun de ces évènements n'a de fondement historique, mais la succession harmonieuse d'Æthelwulf, avec le soutien de l'église, est probablement un fait historique.

Tout au long de ses apparitions dans Vikings, le personnage est régulièrement décrit comme intelligent, sournois et indigne de confiance, ce qui, comme nous l'avons dit précédemment, ne repose sur aucun fait historique, mais peut en revanche reposer sur des suppositions concernant son accession au pouvoir et la consolidation de la puissance du Wessex. Egbert est souvent décrit par les historiens comme opérant en dehors des limites acceptables en matière de diplomatie. L'historien Roger Collins, par exemple, le présente comme "l'aventurier du Kent", et non comme un noble ou un prince, et attribue son importance ultérieure dans l'histoire à la "propagande ouest saxonne" (196). Le chercheur C. Warren Hollister attribue cette consolidation de la puissance du Wessex aux premiers raids vikings dans la région dans la mesure où la Northumbrie et la Mercie avaient été déstabilisées par les premiers assauts Vikings à partir de 793 environ (127). Parmi les historiens, la tendance est soit de minimiser entièrement la contribution d'Egbert, soit de l'attribuer à un double jeu ou à une exagération postérieure.

Bien que des auteurs ultérieurs aient probablement embelli la lignée d'Egbert dans le but de le lier à Cerdic, rien dans les récits contemporains ne permet d'affirmer qu'Egbert n'était pas un roi médiéval compétent et efficace. Il est probable qu'il ait eu recours à des pratiques déloyales et à des négociations secrètes pour parvenir à ses fins, mais il n'aurait pas été différent en cela de Charlemagne ou de tout autre dirigeant passé ou présent. Le royaume qu'il stabilisa et développa passa aux mains de ses successeurs jusqu'à son apogée sous le règne d'Alfred le Grand, avant de devenir le lieu de naissance du royaume d'Angleterre. Ceci n'aurait jamais été possible sans la contribution d'Egbert de Wessex.

Source : Article partiellement ou en totalité issu de l’article de Mark, J. J. (2018, novembre 19). Le roi Egbert de Wesssex [King Egbert of Wessex]. (Y. Palisse, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-17581/le-roi-egbert-de-wesssex/

 

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