GUILLAUME 1er le CONQUERANT (v.1027-1087)

Roi d'Angleterre, sous le nom de Guillaume 1er, de 1066 à sa mort et duc de Normandie, sous le nom de Guillaume II, de 1035 à sa mort

Guillaume 1er -  Tapisserie de Bayeux (scène 23 détail)

Guillaume le Conquérant (v.1027-1087), aussi connu sous le nom de Guillaume, duc de Normandie et Guillaume le Bâtard, mena la conquête normande d'Angleterre en 1066, lorsqu'il battut et tua son rival Harold Godwinson à la bataille de Hastings. Couronné roi Guillaume 1er d'Angleterre le jour de Noël 1066, Guillaume ne sécurisera son nouveau royaume qu'après cinq ans de durs combats contre les rebelles et les envahisseurs étrangers. Continuant à régner sur la Normandie, la politique de redistribution des terres de Guillaume parmi les élites normandes fit en sorte que l'histoire de l'Angleterre et de la France furent indissociables au cours des siècles suivants. Diplomate accompli, commandant militaire doué et chef impitoyable, Guillaume mourut de causes naturelles en 1087, à Caen, en Normandie, où se trouve encore sa tombe.

Vie familiale et personnelle

Guillaume est né à Falaise, en Normandie vers 1027. Il était le fils illégitime du duc Robert 1er de Normandie (1028-1035), raison pour laquelle on le nomme parfois Guillaume le Bâtard. La mère de Guillaume était Arlette de Falaise, fille d'un riche marchand de Rouen qui exerçait également les fonctions de chambellan à la cour ducale. Les demi-frères de Guillaume (ils avaient la même mère) étaient Odon de Bayeux, évêque de cette ville et futur comte de Kent, et Robert (futur) comte de Mortain. En 1053 (ou 1050) Guillaume épousa Mathilde (morte en 1083), fille du comte de Flandre et nièce d'Henri 1er de France  dans un mariage qui cimentait convenablement les relations diplomatiques naissantes entre les trois régions. Ensemble, ils auraient quatre fils et quatre (ou cinq) filles.

Duc de Normandie

Quand le duc Robert mourut en Asie Mineure lors d'un pèlerinage, Guillaume devint duc de Normandie en 1035. Heureusement pour lui, son père avait déjà obtenu des serments de loyauté de ses barons concernant la possible succession par son fils. En réalité, cependant, Guillaume n'était encore qu'un enfant et donc un tuteur régnait en son nom, Gilbert de Brionne. En 1040, une guerre civile éclata en Normandie lorsque Gilbert fut assassiné et les barons rebelles cherchèrent à étendre leurs terres, souvent en construisant des châteaux. Il faudrait sept longues années à Guillaume pour établir son duché, mais il put au moins faire appel à de puissants amis, notamment l'archevêque de Rouen, Mauger, oncle de Guillaume, et le puissant mari de sa mère, Herluin de Conteville. Enfin, en 1047, avec l'aide d'Henri 1er, qui cherchait à protéger les routes commerciales vitales à travers la Normandie et l'avenir de l'un de ses vassaux, les rebelles subirent une défaite significative à Val-ès-Dunes près de Caen. Il y eut par la suite encore de nombreuses batailles et quelques sièges notables, dont un effort de trois ans contre le château de Brionne, tenu par Guy de Bourgogne, qui se termina par le succès de Guillaume.

Les 20 années suivantes virent une forte augmentation de la puissance du duché, non sans lutte, mais les années de guerre firent de Guillaume l'un des plus redoutables stratèges militaires et commandants de campagne du Moyen Âge (et aussi l'un des plus chanceux). S'engageant dans une campagne de guerre et d'expansion soutenue, en particulier contre des rivaux de longue date comme la Flandre et l'Anjou, Guillaume utilisa tous les moyens à disposition, y compris la terreur et les mutilations ainsi que les mariages arrangés de convenance politique pour des membres clés de son cercle intérieur, pour devenir le noble le plus puissant de France.

Guillaume était maintenant presque trop puissant et, en 1053, le roi de France choisit de se rallier à l'oncle du duc normand, Guillaume d'Arques, alors baron rebelle. Le duc, cependant, attaqua la chaine de ravitaillement de l'ennemi, et son oncle fut obligé de se rendre. Il fallut une défense robuste de la Normandie en 1054, quand une force française, cherchant à se venger des événements de l'année précédente, tenta d'envahir la région. L'armée française fut vaincue à Mortemer, et de nouveau, contre le même ennemi mais avec un résultat encore plus probant, à Varaville en 1057. Le roi Henri en réchappa tout juste à Varaville; le roi français, séparé de la moitié de son armée par une rivière en crue, était furieux mais ne put rien faire pour empêcher le massacre. Guillaume fut imparable. Dans les années qui suivirent, il ajouta à son duché plusieurs dépendances personnelles importantes, dont les îles Anglo-Normandes (alias Îles Normandes) et les duchés de Bretagne et du Maine. Cela, avec la mort d'Henri de France et le fait que son jeune fils était sous la tutelle du beau-père de Guillaume, Robert de Flandre, signifiait que le duché de Guillaume était à l'abri de ses voisins. Les ambitions du duc pouvaient désormais s'étendre au-delà de la France.

Guillaume fixa alors son attention sur le trône d'Angleterre mais, techniquement encore vassal du roi de France, il ne pouvait attaquer sans justification préalable ni acte de diplomatie. Les barons normands devaient aussi être persuadés de l'interêt d'envahir l'Angleterre, mais la promesse de terres, de titres et de richesses s'avéra une motivation suffisante.

Guillaume proposa comme justification de son invasion de l'Angleterre ni plus ni moins qu'il en était le roi légitime. Cette revendication était fondée sur la relation du duc avec Édouard le Confesseur, roi d'Angleterre de 1042 à 1066. Le comte Richard 1er de Normandie était le grand-père d'Édouard et l'arrière-grand-père de Guillaume. Guillaume affirma qu'Édouard, sans enfants, avait promis au Normand qu'il serait son héritier officiel. En fait, Édouard, sur son lit de mort, choisit pour successeur l'anglo-saxon Harold Godwinson, membre de la très puissante famille Godwine et plus important commandant militaire d'Angleterre.

Autre rebondissement de la revendication de Guillaume (du moins selon les chroniqueurs normands), Harold s'était rendu en Normandie vers 1064, où il avait été capturé par le comte Guy de Ponthieu, puis remis à Guillaume (qui l'utilisa à bon escient dans ses batailles pour maîtriser Conan, le comte de Bretagne). Une condition de la libération de Harold était que celui-ci promette de devenir le vassal de Guillaume et prépare la voie à une invasion. Ainsi, Guillaume se sentit lésé quand Harold fut couronné Harold II d'Angleterre en janvier 1066. Les sources anglo-saxonnes contestent une grande partie de cette histoire, mais cela suffit pour convaincre les autres rois européens que Guillaume avait le droit d'envahir le pays. De plus, Guillaume reçut même la bénédiction de la papauté qui avait été à couteaux tirés avec l'archevêque de Canterbury depuis plusieurs années, refusant de reconnaître qu'il avait droit à ce rôle. Convaincu qu'il avait à la fois raison et Dieu de son côté, Guillaume fit des préparatifs méticuleux pour une invasion du sud de l'Angleterre pendant l'été 1066.

La conquête normande d'Angleterre

Il faut dire que Guillaume eut beaucoup de chance dans son invasion de l'Angleterre parce que son ennemi Harold II fut obligé de faire face à une autre invasion quelques semaines avant l'arrivée du Conquérant, celle-ci par Harald Hardrada, le roi de Norvège (alias Harold III, r. 1046-1066). Harold mit Harald en déroute à la bataille de Stamford Bridge près de York le 25 septembre 1066, puis marcha vers le sud pour affronter l'armée de Guillaume composée de 5 à 8000 hommes, dont 1 à 2 000 cavaliers. Les deux armées, probablement de même taille, s' affrontèrent à Hastings le 14 octobre. Avec des archers et une cavalerie contre l'infanterie anglo-saxonne, Guillaume fut victorieux et Harold fut tué. Lorsque les renforts arrivèrent de Normandie, Guillaume marcha sur Londres, prenant d'abord des bastions clés comme Romney, Douvres, Winchester et Canterbury. Beaucoup de nobles anglo-saxons et l'archevêque de Canterbury prêtèrent allégeance à leur nouveau roi, couronné le jour de Noël 1066 à l'abbaye de Westminster.

Maintenant Guillaume 1er d'Angleterre et duc de Normandie, le Conquérant dut se battre encore pendant cinq ans avant que l'Angleterre ne soit complètement maîtrisée. Tactiques de terre brûlée, construction de centaines de châteaux de mottes et de bailey, emprisonnements et mutilations de rebelles dans des villes clés comme Exeter et York, refoulement de deux mini-invasions d'Irlande par les fils d'Harold, l'annulation d'une force rebelle danoise à East Anglie, et la redistribution complète des domaines entre les mains de loyaux Normands, tous veillèrent à ce que Guillaume finisse par sécuriser son nouveau royaume. L'église fut restructurée, les évêques normands ayant obtenu les meilleures positions, de nombreux centres religieux importants se rapprochèrent des villes, et de nouvelles cathédrales furent construites comme celles de Winchester, York et Canterbury.

Règne post-conquête

Bien que Guillaume ait trouvé un nouveau royaume riche, il n'ignora pas pour autant ses terres en France, et il y retourna fréquemment, laissant souvent l'Angleterre entre les mains de son demi-frère Odon de Bayeux, comte de Kent et son meilleur ami William FitzOsbern, comte d'Hereford. En effet, Guillaume dut parfois se battre pour garder ses terres en France, notamment contre Foulques, comte d'Anjou en 1073. Philippe 1er, roi de France (roi de 1060 à 1108), devint aussi désireux de grignoter le duché de Guillaume et soutint les rebelles en son sein, notamment en Bretagne. Il y eut aussi une rébellion ratée en Angleterre en 1075. Dirigé par Ralph de Gaël, ce complot mineur fut déjoué sans même que Guillaume n'ait à quitter la Normandie. Cependant, c'était un signe des difficultés inhérentes à avoir à jongler à la fois un royaume et un duché avec beaucoup de nobles toujours désireux d'élargir leurs intérêts dans l'un ou l'autre territoiree voire même les deux.

Puis la longue série de victoires militaires de Guillaume cessa d'un coup. En 1077, le duc fut défait près de  deol en Bretagne. Moins d'un an plus tard, une autre rébellion éclata, cette fois dirigée par Robert, fils aîné de Guillaume, qui pensait qu'on ne lui donnait pas assez de pouvoir. Encore une fois, Philippe de France profita de l'occasion pour déstabiliser la situation et donna un château - Gerberoy à la frontière avec la Normandie - pour que Robert puisse l'utiliser comme base. Guillaume tenta d'assiéger Gerberoy, mais il semblerait que son fils avait trop bien appris les leçons de son père sur l'art de la guerre, et Guillaume fut vaincu lors d'un engagement sur le terrain. Heureusement, Guillaume et Robert se réconcilièrent et le jeune homme lui fut une aide utile, car il fut envoyé pour repousser les raids écossais en Northumbrie en 1079.

Livre du Jugement Dernier

Loin d'être un simple seigneur de guerre, Guillaume était un administrateur éclairé. En 1086-7, le roi ordonna un relevé complet de tous les propriétaires fonciers, biens, locataires et serfs d'Angleterre. Après le passage de l'élite anglo-saxonne aux Normands et les redistributions massives des domaines, le roi était probablement intéressé à savoir qui possédait quoi dans son royaume. Les résultats de l'enquête furent rassemblés en un seul document, le Domesday Book ou livre du Jugement Dernier (en fait deux livres parce que l'un, Petit Domesday, semble être un enregistrement plus détaillé qui n'a jamais été condensé dans le format du grand volume, Grand Domesday). Il se peut que ce livre ait été compilé pour qu'une nouvelle taxe puisse être perçue avec exactitude et pour s'assurer que les propriétaires fonciers assiraient le service militaire féodal que l'on attendait d'eux. Ce document pouvait alors être un outil très utile pour payer une armée afin de faire face à la menace d'une invasion danoise de l'Angleterre qui semblait imminente en 1085. Le Domesday Book, l'étude la plus complète jamais entreprise dans un royaume médiéval et un aperçu inestimable de nombreux aspects de la vie quotidienne en Angleterre médiévale, est aujourd'hui conservé aux Archives Nationales du Royaume-Uni, à Londres. Elle demeure l'une des plus grandes réalisations de Guillaume.

Mort et Postérité

Heureusement pour Guillaume, l'invasion danoise ne se matérialisa jamais. Kanud IV du Danemark (roi de 1080 à 1086), qui planifiait cette escapade, fut assassiné dans le cadre d'une rébellion alimentée par l'imposition par le roi de taxes et d'amendes pour payer sa flotte d'invasion et son armée. Puis, à l'improviste, le désastre frappa alors que Guillaume attaquait la ville de Mantes en représailles pour ses raids en Normandie. Le 9 septembre 1087, Guillaume mourut d'une maladie, peut-être d'une blessure causée par un accident de cheval exacerbée par l'obésité de laquelle il était affligé. Il fut enterré dans le monastère Saint-Étienne à Caen, qu'il avait lui-même construit, mais les funérailles ne furent pas sans problèmes : un incendie dans les maisons voisines interrompit la procession, pendant la cérémonie un homme cria que la cathédrale avait été construite sur les terres de son père sans aucune compensation, et le cercueil était si petit que lorsqu'ils essayèrent d'y mettre le corpulent cadavre, l'estomac éclata et remplit la cathédrale d'une odeur nauséabonde.

Après la mort de Guillaume, son royaume anglais fut repris par son fils Guillaume le Roux. Pendant ce temps, l'autre fils de Guillaume, Robert Courteheuse (Curthose), reprit les terres familiales en Normandie. Les deux souverains eurent du mal à protéger leurs domaines respectifs des usurpateurs et des nobles ambitieux. L'Angleterre et la Normandie ne seraient régouvernées que par un seul monarque qu'à partir de 1106, après six ans de règne d'Henri 1er d'Angleterre, un autre fils de Guillaume le Conquérant.

Guillaume le Conquérant vécut donc une vie mouvementée par une guerre plus ou moins ininterrompue et des voyages entre l'Angleterre et le nord de la France. C'est peut-être dans l'histoire imbriquée de ces deux pays que nous voyons le plus grand héritage de Guillaume, pour le meilleur et pour le pire. En réunissant les deux, en mélangeant les élites dirigeantes et en augmentant considérablement le commerce, les répercussions politiques et culturelles de la conquête de l'Angleterre par Guillaume se seraient encore ressenties bien des siècles plus tard.

Source : Article partiellement ou en totalité issu de l’article de Cartwright, M. (2019, janvier 30). Guillaume le Conquérant [William the Conqueror]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-16891/guillaume-le-conquerant/

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