Anne de Pisseleu (1508-1580)

Duchesse d'Étampes - Grande favorite de François Ier

Anne de Pisseleu (1508-1580), duchesse d'EtampesLe 17 mars 1526, dans le cortège qui accueille à Bordeaux le roi François Ier de retour de captivité de Madrid, celui-ci repère une demoiselle d'honneur de sa mère... Elle a 18 ans et s'appelle Anne de Pisseleu. Elle devient sans tarder la favorite du roi et le restera jusqu'à la mort de celui-ci. En 1536, Anne épouse un mari de complaisance qui est récompensé par le titre de duc d'Étampes. Cultivée et intelligente on la surnomme "la plus belle des savantes et la plus savante des belles ".

Fille de Guillaume de Pisseleu et d’Anne de Sanguin de Meudon, Anne d’Heilly de Pisseleu naît vers 1508 en Picardie. Le lieu de naissance d'Anne de Pisseleu reste encore inconnue (les historiens hésitent entre Fontaine-Lavaganne ou Beaucamps, Oise). Elle naît dans une famille picarde les Pisseleu d'Heilly, désargntée mais de vieille et haute noblesse. La Picardie de son enfance est instable au moment où la province se détourne de la Bourgogne pour s'allier à la France. Son père se marie trois fois et le Père Anselme lui attribue pas moins de trente enfants de ses trois mariages. C'est la troisième femme de son père, Madeleine de Laval, qui lui donnera son excellente éducation (Anne est née du deuxième mariage).

Lors du retour de captivité du roi, à Bayonne en 1526, la jolie Anne, demoiselle d’Honneur de Louise de Savoie, est présentée à François Ier. Le bruit court que la régente n'aimant guère Françoise de Châteaubriant, pousse la jeune Anne dans les bras de son fils.

Agée de 18 ans, outre la jeunesse,  "elle a les cheveux dorés comme les blés, elle est fraîche comme la rosée, douce, avec un teint de porcelaine, elle a des yeux clairs angéliques, la taille bien prise et le corps d'une finesse de princesse de conte de fée.". Elle a tout pour attirer François Ier dans son lit. Elle est aussi intelligente et cultivée que la comtesse de Châteaubriant. François Ier, roi de France de 1515 à 1547Elle est si avenante que l'on ne se méfie pas d'elle. Sous son air innocent et presque timide, Anne est secrète et ambitieuse, elle met tout en œuvre pour "harponner" le roi. Elle veut évincer la maîtresse en titre, Françoise de Foix, et prendre sa place. Elle ne veut pas être une simple passade aussi pour arriver à ses fins elle use de finesse et de savoir-faire. Françoise avait succombé par amour, Anne agit par intérêt.

A Amboise, Anne cède enfin aux avances du roi. Le fait qu'Anne n'aime pas le roi, ajoute un atout à son jeu : la passion ne risque pas de déranger ses plans. Il suffit qu'elle laisse croire au roi qu'elle l'aime. Anne est douée pour jouer la comédie et la joue bien !

Anne et Françoise se querellent sans cesse, ce qui amuse la cour mais finit par lasser le roi, qui fait comprendre à Françoise que maintenant elle est la seconde à la cour et dans son cœur. Françoise ne peut le supporter, elle quitte la cour, en 1528, et laisse la place à sa rivale.

Portrait de Jean de Brosse par Corneille de LyonEn 1532, par convenance, le roi marie sa maîtresse, Anne de Pisseleu, avec Jean de Brosse de Boussac, comte de Penthièvre, gentilhomme pauvre d'ancienne noblesse. Le roi leur donne 72000 livres et au lendemain de la mort de sa mère Louise de Savoie, il fait de la comtesse de Penthièvre la gouvernante de ses deux filles Madeleine et Marguerite.

Le 23 juin 1534, le roi donne le comté d'Étampes à Jean de Brosse. Le 18 juin 1536 le comté d'Étampes est érigé en duché, le roi fait de Jean de Brosse le baron puis le duc de Chevreuse, il l'aide pécuniairement à devenir propriétaire d'innombrables baronnies, châtellenies, seigneuries et fiefs. Il est nommé gouverneur de Bretagne, puis pour l'éloigner de la cour le nomme gouverneur de l'Auvergne.

Anne a beaucoup d'influence sur le roi, elle est d'avantage une femme de tête qu'une femme de cœur. Elle pourvoit, grâce aux bontés du roi, les membres de sa famille de commandements, de terres et de titres.

Anne, pour le roi est une merveilleuse partenaire mais son âme est noire : un jour sur l'oreiller, Anne demande au roi de réclamer à Mme de Châteaubriant les bijoux qu'il lui avait offerts pas pour leur valeur, mais pour les devises qui y sont inscrites. Belle hypocrite ! Le roi hésite mais s'exécute, Anne est si capiteuse que ne ferait-il pas pour sa douce, tendre et charmante maîtresse ! Un messager est dépêché auprès de Françoise, celle-ci fait fondre les bijoux et les transforme en lingots, renvoie le tout au roi avec ses mots : "Pour ce qui est des devises, je les si bien empreintes et conservées en ma pensée, et les y tiens si chères, que je n'ai pu permettre que personne en disposât, en jouit ou en eût le plaisir que moi-même". Le roi comprend la leçon.

À la cour, Anne compte une rivale du nom de Diane de Poitiers, qui est la maîtresse du dauphin Henri. Celle-ci, à un tournoi, donné en l’honneur du mariage du roi et de sa seconde épouse, Éléonore de Habsbourg, sœur de Charles Quint, Anne et Diane avait été désignées comme les plus belles femmes de l’Assemblée par le dauphin Henri. Diane de poitiersAnne et Diane mènent une grande bataille, elles ont chacune des appuis à la cour : Diane, catholique convaincue, est soutenue par les Guise et Anne, de plus en plus adhérant aux idées de la Réforme, est soutenue  par les protestants. La rivalité de la duchesse d'Etampes et de Diane de Poitiers atteindra son point culminant dans le duel entre Jarnac et la Chataigneraie. La duchesse d'Etampes se plaisait à dire par pure malice en parlant de Diane : "l'année de ma naissance fut celle où Mme la Sénéchale se mariat" (or Diane s'était mariée en 1514).

En 1547, la mort du roi François Ier annonce le déclin de l'influence de la duchesse d'Etampes au bénéfice de sa rivale Diane de Poitiers, maitresse du Dauphin qui va devenir Henri II : Anne de Pisseleu est écartée du pouvoir et contrainte à un séjour en Bretagne auprès de son mari avec lequel elle ne s'est jamais entendue. Henri IIElle doit restituer les bijoux que François Ier lui avait offerts pour que le roi Henri II les offre à Diane de Poitiers et subir un procès en haute trahison pour ses relations avec Charles Quint avant d'être bannie de la cour. Henri s'empare en outre de la maison qu'occupait Anne dans la rue Saint-Aubine près du palais de Tournelles avant d'en faire cadeau à Diane. Puis Henri lui confisque aussi le duché d'Etampes qui revient à la couronne. Diane de Poitiers le recevra en 1553, avant d’appartenir à Gabrielle d'Estrées, puis à César de Vendôme, fils de cette dernière.

Anne est retenue par son mari durant dix-huit ans au château de La Hardouinaye, (près de Dol, tristement célèbre pour avoir été le théâtre de l'assassinat de Gilles de Bretagne), qui lui fait endurer de nombreux procès. Chateau de la hardouinaisElle ne sera libérée que de sa présence à sa mort en janvier 1564. Comme de nombreux Picards et comme sa sœur Péronne de Pisseleu (un des piliers de l'église réformée), Anne est séduite par les idées de la Réforme. En 1576, elle reçoit les chefs protestant dans son château de Challuau. Il semble qu'elle se soit convertie au protestantisme dans les dernières années de sa vie. 

Désormais protestante, l'ex duchesse d’Étampes mène une vie de plus en plus recluse. Au moment où elle fait son testament en 1580, elle réside avec une des filles de sa sœur : Péronne de Pisseleu, Marie de Barbançon. Elle n'a pas eu d'enfants ni du roi ni de son mari. 

Elle meurt, à l’âge de soixante-douze ans, obèse et oubliée de tous sur ses terres à Heilly, dans les premiers jours de septembre 1580 ( ?), même la date exacte de sa mort  n’est pas connue ... mais bien après la disparition de sa grande ennemie et rivale, Diane de Poitiers.

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