Jeanne d'Albret (1528-1572)

Reine de Navarre, mère d'Henri IV

Jeanne d'Albret (1528-1572), Reine de Navarre, mère du roi Henri IVJeanne d'Albret, reine de Navarre, est née à Pau le 7 janvier 1528, et est morte à Paris la 5 juin 1572. Fille unique de Henri d'Albret, roi de Navarre, et de Marguerite d'Angoulême, sœur de François 1er, elle se trouvait un riche parti, non pas précisément à cause de l'importance matérielle des terres de sa future obédience, considérablement réduites depuis l'annexion à la Castille par Ferdinand le Catholique de tout ce que possédait son grand-père Jean d'Albret au-delà des Pyrénées (1312), mais en raison de leur situation, restée mitoyenne à la fois de la France et de l'Espagne, alors perpétuellement en guerre.

Aussi avait-elle douze ans à peine que Charles-Quint, pour rassurer, disait-il, sa conscience au sujet de la réunion de 1512, en préparant la fusion des droits des princes castillans et des Albret sur la Navarre dite espagnole, en réalité pour avoir un pied sur le versant septentrional des Pyrénées, la demandait pour son fils l'infant don Philippe (le futur Philippe II). Mais la diplomatie de François 1er lui barra la route. 

Elle avait mis la main sur Jeanne dès le berceau sous prétexte que, fille d'une fille de France, nièce du roi, elle recevrait en France une éducation plus digne de son rang qu'à la cour étriquée et parcimonieuse de ses parents. Elle prit ombrage de la démarche de Charles-Quint et prétendit inféoder définitivement la petite princesse à la politique française, en la mariant au duc de Clèves, que son état de guerre sourde contre l'empereur son suzerain désignait tout spécialement au choix royal (1541); ce ne devaient être, au reste, vu l'âge de l'épouse, que des fiançailles solennelles. Dans cette occasion se manifesta sa naissante énergie.

Le duc lui déplaisait : elle fit, en conséquence, rédiger et signa en présence de témoins une protestation en règle contre l'union à laquelle la contraignait le vouloir de sa famille. Précaution fort heureuse, au demeurant, car, à quatre ans de là, en 1545, quand le duc de Clèves, à la suite de conflits malheureux avec Charles-Quint, fut sans retour perdu pour l'alliance française, sa protestation de 1541 servit de base à l'instance en cour de Rome que dénoua une bulle d'annulation du mariage, pour défaut de consentement. En 1548, elle épousa, de plein-gré, cette fois, et pour tout de bon, Antoine de Bourbon, duc de Vendôme. Deux ans plus tard, la mort de son père mettait la couronne souveraine sur sa tête.

Antoine de Bourbon (1518-1652), Roi de Navarre, Duc de Vendôme, père d'Henri IVD'aigres démêlés avec Henri II, qui aurait bien voulu réunir la Navarre à ses Etats, des intrigues périlleuses avec Philippe II, au sujet des territoires conquis en 1512 par Ferdinand le Catholique, emplirent les dix années suivantes. Quoique agitée et anxieuse, cette période n'en est pas moins la plus heureuse de son existence.

Brave homme au fond, son mari était sans la moindre consistance. Il fut en tout ce qu'il fut en religion, à cette époque de foi ardente, s'engageant étourdiment dans le protestantisme, qu'il devait bientôt renier avec éclat, tandis que Jeanne n'y faisait adhésion que par étapes timides, mais dès lors pour toujours. Quoi qu'il en fût, leur bonheur intime fut sans nuage tant qu'ils vécurent hors de la sphère des grands intérêts sociaux dont Paris était le centre. Il fut détruit du jour où Antoine se fixa à la cour de France, surtout du jour où Catherine de Médicis, proclamée régente à l'avènement de Charles IX, crut avoir besoin de lui comme contrepoids à l'ambition des Guises. Pour le détacher du parti calviniste, elle lâcha sur lui Mlle de Roué, l'une des plus expertes recrues de son fameux Escadron volant.

Cependant les choses ne tournèrent pas tout à fait au gré de la reine mère : il abandonna "la cause ", il est vrai, mais au profit des Guises, non au sien. En butte à d'odieux traitements à leur instigation, Jeanne regagna péniblement la Navarre (mars 1562). La nouvelle de la mort de son mari, frappé sous les murs de Rouen défendu par le comte de Montgomery (17 novembre 1562), ne tarda pas à l'y rejoindre.

C'est ici le lieu de réfuter la calomnie suivant laquelle Jeanne d'Albret proscrivit le catholicisme dans ses Etats. La vérité est qu'elle institua la liberté de conscience : la coexistence des deux cultes est un fait reconnu par les meilleures autorités. Elle craignait par-dessus tout l'émeute, désirait par-dessus tout la paix : nobles sentiments que son époque n'était pas en état de comprendre. Aussi bien les convoitises de Charles IX et de Philippe II, déguisées sous le masque de la foi, s'entendaient-elles en secret, - quitte à se choquer violemment, lorsque viendrait l'heure du partage - pour lui créer mille difficultés. Sentant le sol trembler sous ses pieds, elle gagna La Rochelle en septembre 1568, au début de la troisième guerre civile.

Derrière elle, le pays se souleva. Mais, à son appel, le comte de Montgomery pénétra en Navarre, chassa les officiers partisans du roi de France de place en place et y raffermit son autorité. La paix de Saint-Germain (4 août 1570) ouvrit à son activité un champ plus vaste : il fut question, pour sceller la réconciliation des deux confessions, de marier son fils Henri, avec la princesse Marguerite, sœur de Charles IX. A la fois éblouie et défiante, elle accourut à la cour. Mais le malheur la guettait, dès qu'elle sortait de son royaume. Paris qui, en 1561-1562, lui avait pris son mari, allait lui prendre la vie : arrivée le 14 février 1572, elle tomba malade le 3 juin et s'éteignit deux jours après. 

Outre deux fils, morts en bas âge, elle avait eu deux enfants qui lui survécurent : Henri de Bourbon, destiné à régner sur la France sous le nom d’Henri IV, et Catherine, la future duchesse de Bar.

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