ANNE STUART (1665-1714)

Dernière reine d'Angleterre de 1702 à 1707, puis reine de Grande-Bretagne et d'Irlande jusqu'en 1714.

Âgée de 37 ans à son avènement, Anne régna en tant que reine d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande à partir de 1702, puis, après l'Acte d'Union de 1707, sur un royaume uni en tant que reine de Grande-Bretagne (United Kingdom of Great-Britain) jusqu'à sa mort en 1714. Le règne d'Anne, dernier des monarques Stuart, fut marqué par la guerre de succession d'Espagne, qui aida la Grande-Bretagne à s'imposer en tant que grande puissance mondiale.

Anne stuartJacques II d'Angleterre (roi de 1685 à 1688) succéda au trône à son frère Charles II d'Angleterre (roi de 1660 à 1685), ce dernier n'ayant pas d'héritier légitime. Jacques était catholique, mais une partie de l'accord qui lui permit de succéder à son frère protestant en 1685 était qu'il promette d'élever ses deux filles dans le protestantisme. La première épouse de Jacques était Anne Hyde, la fille du comte de Clarendon (m. 1660). Le couple eut deux filles : Marie (née en 1662) et la plus jeune Anne, née le 6 février 1665 au palais de Saint-Jacques. Anne Hyde mourut de maladie en 1671, et le roi Jacques se remaria, cette fois avec Marie (d. 1718), la fille du duc de Modène. Le couple royal eut un fils, Jacques François Édouard, qui vit le jour le 10 juin 1688. Des rumeurs circulèrent selon lesquelles le prince était un étranger amené par commodité, et Anne elle-même eut des doutes sur sa légitimité. Cette naissance relégua Marie et Anne au deuxième et troisième rangs de la lignée du trône. Pour Anne, en particulier, l'invraisemblable probabilité qu'elle devienne monarque signifia qu'elle ne reçut pas l'éducation ou la préparation dont bénéficieraient les autres futurs souverains.

L'arrivée d'un nouvel héritier au trône, qui serait sûrement élevé dans la religion catholique comme ses deux parents, associée à la politique pro-catholique et aux manières autoritaires du roi, inquiéta sérieusement de nombreux membres du Parlement. Afin de préserver l'intégrité du Parlement, les acquis de la Réforme anglaise et la primauté du protestantisme en Angleterre, plusieurs nobles se tournèrent vers l'étranger pour trouver un autre roi. Le choix le plus évident était celui de Guillaume, prince d'Orange. Le Hollandais était protestant et, à la tête d'une puissante marine, il serait un allié très utile. De plus, Guillaume était étroitement lié à la famille royale britannique. Guillaume était, par sa mère, le petit-fils de Charles 1er d'Angleterre (roi de 1625 à 1649), et il avait épousé la fille de Jacques II, Marie, en 1677. Guillaume souhaitait disposer de la marine, de l'armée professionnelle et des ressources de l'Angleterre pour l'aider dans son conflit en cours avec Louis XIV de France (roi de 1643 à 1715).

Il s'avéra que l'invasion de l'Angleterre par Guillaume fut remarquablement calme, et le roi Jacques, voyant des désertions de toutes parts - y compris de la part de sa fille Anne - prit la décision prudente de s'échapper en France. Ce fut la Glorieuse Révolution de 1688. Le prince d'Orange devint Guillaume III d'Angleterre et son épouse Marie II d'Angleterre (reine de 1689 à 1694). Ils régnèrent conjointement jusqu'à ce que Marie ne meure de la variole en décembre 1694. Anne entretint une relation difficile avec son beau-frère Guillaume qu'elle décrit dans ses lettres avec des termes désobligeants tels que "le monstre hollandais". Dans l'ensemble, ils maintinrent une relation distante et formelle.

Accession au trône

Guillaume et Marie n'ayant pas d'enfants survivants, c'est la sœur de Marie, Anne, qui fut déclarée héritière officielle en février 1695. Guillaume mourut à la suite d'un accident de cheval le 8 mars 1702. Jacques II, toujours en exil en France, était mort en 1701, mais son fils Jacques (le Vieux Prétendant) et son petit-fils Charles (le Jeune Prétendant) entretinrent tous deux la flamme de la rébellion, notamment dans les Highlands écossais. Néanmoins, le trône d'Anne était assuré. Cependant, comme Guillaume et Marie avant elle, la reine faisait désormais partie d'une monarchie constitutionnelle, où le Parlement était beaucoup plus puissant qu'à l'époque des Stuart. Au cours de la décennie qui suivit la Glorieuse Révolution, le Parlement avait acquis l'autorité suprême dans les domaines clés de l'adoption des lois et de la perception des impôts. Aucun monarque ne pouvait désormais entretenir sa propre armée permanente, seul le Parlement pouvait déclarer la guerre et tout nouveau monarque devait jurer lors de son couronnement de maintenir l'Église protestante. Le monarque ne pouvait désormais plus révoquer le Parlement sur un coup de tête et ses comptes étaient contrôlés par la liste civile.

Anne fut couronnée à l'abbaye de Westminster le 23 avril 1702 ; elle avait 37 ans. Elle avait épousé le 28 juillet 1683 le prince George du Danemark (1653-1708), fils de Frédéric III du Danemark (roi de 1648 à 1670). Le roi Guillaume avait fait de George le duc de Cumberland, mais il avait été largement ignoré jusqu'à ce qu'Anne ne devienne reine, et même alors, son désintérêt pour la vie politique lui permit de rester un personnage marginal. Le couple eut de nombreux enfants, mais malheureusement, tous sauf un moururent très jeunes ou étaient morts-nés. L'unique héritier fut Guillaume, duc de Gloucester (né en 1689), mais lui aussi était un enfant chétif, et il mourut à l'âge de 12 ans.

Principaux événements du règne

Dames de compagnie

Anne s'intéressa de près à son rôle dans l'appareil de la monarchie constitutionnelle. Par exemple, elle assistait souvent aux réunions du cabinet et même aux débats de la Chambre des Lords, en se déguisant en femme ordinaire. Elle savait ce qu'elle voulait et résistait à la pression des autres, comme on put le constater avant même sa succession dans l'affaire Churchill. John Churchill (futur duc de Marlborough, 1650-1722) étant soupçonné de comploter pour le retour de Jacques II, la princesse Anne fut informée que l'épouse de Churchill, Sarah Jenyns (également orthographiée Jennings), n'était plus un membre convenable de sa cour. Bien qu'Anne ait approuvé la Glorieuse Révolution de Guillaume et Marie, la princesse refusa de renvoyer Sarah, ce qui déplut à sa sœur la reine Marie et entraîna son expulsion du palais de Whitehall. Les deux sœurs Stuart ne s'adressèrent plus jamais la parole. Finalement, la reine Anne se lassa de la compagnie de Sarah Jenyns - la goutte d'eau qui fit déborder le vase fut une dispute publique devant la cathédrale Saint-Paul à propos de la tenue de la reine - et sa nouvelle favorite devint Abigail Masham. Les relations de la reine avec ses plus proches confidentes donnèrent lieu à des rumeurs et à des spéculations selon lesquelles Anne aurait été lesbienne.

Whigs et Tories

Le règne d'Anne fut une période turbulente sur le plan politique. C'est la période qui vit une formation plus nette des partis politiques. Il y avait deux groupes principaux au Parlement : les Whigs et les Tories. Les Whigs étaient un mélange de riches propriétaires terriens, de propriétaires d'entreprises et de spéculateurs financiers. Ils étaient de fervents défenseurs des pouvoirs parlementaires et ne souhaitaient donc qu'une monarchie très limitée. Les Tories étaient plus rétrogrades et se composaient essentiellement de la gentry campagnarde qui croyait aux deux grandes traditions qu'était la monarchie et l'église. Anne était au-dessus des partis politiques, comme elle le déclara si bien elle-même : "Tout ce que je désire, c'est ma liberté d'encourager et d'employer tous ceux qui concourent fidèlement à mon service, qu'ils soient Whigs ou Tories" (Dicken, 256). Anne laissait les affaires de l'État à ses principaux ministres comme le Lord Trésorier, Sidney, le Baron Godolphin, le Secrétaire d'État Robert Harley et John Churchill (de retour dans ses bonnes grâces) qui dirigeait les forces armées et s'occupait des affaires diplomatiques.

Guerre de succession d'Espagne

Il est rare qu'un monarque jouisse d'un règne entièrement paisible, et Anne ne fit pas exception. La guerre de Succession d'Espagne de 1701-14 vit la plupart des pays européens s'affronter pour savoir qui devait hériter de l'Empire espagnol après la mort de Charles II d'Espagne. Le conflit vit l'Angleterre remporter plusieurs victoires importantes, notamment la prise de Gibraltar par l'amiral Rooke en 1704 et, plus tard la même année, la grande victoire de la bataille de Blenheim en Allemagne, orchestrée par le duc de Marlborough. En remerciement, Anne veilla à ce que des fonds publics soient consacrés à la construction de la maison familiale des Churchill, le magnifique palais de Blenheim dans l'Oxfordshire. D'autres impressionnantes victoires britanniques furent enregistrées à Ramillies en 1706 et à Audenarde en 1708. En 1713-15, le traité d'Utrecht mit fin à la guerre de Succession d'Espagne et entraîna un élargissement des colonies britanniques en Amérique du Nord (Terre-Neuve et Nouvelle-Écosse) ainsi qu'un lucratif contrat de monopole pour le transport des esclaves d'Afrique vers les colonies de l'Empire espagnol.

Acte d'Union

Parmi les autres événements clés, citons l'adoption par le Parlement, en 1705, de la première loi britannique sur le droit d'auteur, le Statute of Anne. En 1707, l'Acte d'Union réunit officiellement l'Angleterre et l'Écosse en un seul royaume appelé désormais Grande-Bretagne. Il s'agissait en fait de limiter la possibilité pour les Écossais de revenir à un monarque indépendant, tant ils détestaient les héritiers officiels d'Anne, les Hanovre, désignés comme tels dans l'Acte d'établissement de 1701. En vertu de l'Acte d'Union, les parlements écossais et anglais ne firent plus qu'un (Westminster étant élargi pour inclure 45 députés écossais), la monnaie des deux royaumes fut rendue identique, le libre-échange fut accordé et un drapeau de l'Union fut adopté. L'Église presbytérienne écossaise, le système judiciaire et le système éducatif, eux, restèrent indépendants. Afin de faire passer la loi, de multiples pots-de-vin furent versés aux nobles écossais et une somme forfaitaire de 400 000 £ fut versée à l'Écosse. Ces efforts en coulisses ne parvinrent cependant pas à empêcher les émeutes de protestation qui se produisirent à Édimbourg et à Glasgow. L'Acte d'Union fut adopté par le Parlement écossais le 16 janvier 1707 et par le Parlement anglais le 6 mars. L'année 1707 vit également les premières élections générales. L'année 1708 marqua l'achèvement de la cathédrale Saint-Paul de Londres, construite selon un magnifique projet baroque de Sir Christopher Wren.

Mort de la reine et succession

Anne était une reine très appréciée. Gaie et dotée d'une belle voix, elle réussit ses guerres à l'étranger (elle était souvent à la tête de cortèges pour les cérémonies de victoire à la cathédrale Saint-Paul) et défendait les bonnes causes. Anne cultivait son "anglaisité" - elle avait déclaré dans son discours d'accession que, contrairement à son prédécesseur Guillaume d'Orange, "je sais que mon cœur est entièrement anglais" (Cannon, 308). La reine aimait particulièrement s'associer à Élisabeth Ire d'Angleterre (r. de 1558 à 1603) et s'habillait en conséquence. Anne était sujette, comme sa mère, à la corpulence, et son poids augmenta au point qu'elle fut finalement obligée d'utiliser une chaise à porteurs. Elle souffrait également de rhumatismes, de goutte et de problèmes oculaires.

La reine Anne survécut à son mari George de six ans ; elle mourut à l'âge de 49 ans, le 1er août 1714, au palais de Kensington, après avoir subi deux attaques cérébrales. Le grand cercueil de la reine fut enterré dans l'abbaye de Westminster. Anne fut la dernière des monarques Stuart, dynastie qui avait commencé avec Robert II d'Écosse (r. de 1371 à 1390). George Ludwig, prince-électeur de Hanovre, lui succéda et devint George Ier d'Angleterre (r. de 1714 à 1727). George était le plus proche parent d'Anne de confession protestante - le Parlement avait adopté une loi interdisant à un catholique de monter sur le trône - et le premier monarque de la maison de Hanovre, qui était liée aux Stuart par les descendants d'Élisabeth Stuart, fille de Jacques Ier d'Angleterre (r. de 1603 à 1625). Le changement de maison régnante fut une occasion que ne manquèrent pas les jacobites, ceux qui soutenaient encore la lignée royale à travers le fils de Jacques II, le Vieux Prétendant. Jacques François Édouard Stuart refusa de renoncer à son catholicisme pour se rendre plus attrayant aux yeux de ses sujets, et un soulèvement jacobite fut réprimé en Écosse en 1715. La monarchie protestante de Grande-Bretagne se poursuivit donc comme l'aurait souhaité la reine Anne.

Source : Article partiellement ou en totalité issu de l'article de Cartwright, M. (2022, septembre 16). Anne, Reine de Grande Bretagne [Anne, Queen of Great Britain]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-21060/anne-reine-de-grande-bretagne/

 

 

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