Marguerite de Valois (1492-1549)
La princesse écrivaine, sœur de François Ier, reine de Navarre
Marguerite de Valois appelée également Marguerite de Navarre, Marguerite d’Angoulême ou Marguerite de France nait le 11 avril 1492 à Angoulême et décède le 21 décembre 1549 à Odos-en-Bigorre. Elle joue un rôle capital au cours de la première partie du XVIe siècle: elle exerce une influence profonde en diplomatie, elle manifeste un certain intérêt pour les idées nouvelles et encourage les artistes tant à la Cour de France qu'à Nérac. Elle est aussi connue pour être, après Christine de Pisan et Marie de France, l'une des premières femmes de lettres françaises.
Princesse de la première branche d'Orléans de la dynastie capétienne, née le 11 avril 1492 à Angoulême, est la fille de Charles d'Angoulême (1459-1496) et de Louise de Savoie, l'aînée de deux ans du futur roi de France François Ier.
Charles, son père, est en disgrâce sur son domaine après 1487 (« ligue des princes »). Il partagera sa vie entre les plaisirs de seigneur et ceux de lettré. Sa mère, Louise, est toute attention pour son fils à qui François de Paule a prédit un destin de roi. Mais il faut reconnaître que " sa vocation à écrire et à méditer sera éveillée par les meilleurs maîtres, et confortée par cette femme cultivée dont les vertus d'éducatrice sont trop négligées par la plupart des biographes: sa mère." (Jean-Luc Déjean)
Pour l’éducation des deux enfants Louise fait appel à : Blanche de Tournon jeune et jolie la "maîtresse des mœurs", François du Moulin les imprégnera des citations de Cicéron et Juvénal, François de Rochefort un latiniste réputé et Robert Hurault s'occupera de la philosophie. Louise a pour devise Libris et liberis (Pour des livres et pour des enfants): son penchant pour les livres rejaillira chez Marguerite. Rappelons la richesse de la bibliothèque de Blois, ordonnée par Guillaume Budé et riche des livres ramenés d'Italie par Charles VIII et Louis XII. On est bien loin de ce qu'affirmera un jésuite au moment de la Contre-Réforme: " Donnez un livre de poésie aux filles, elles feront l'amour. Donnez-leur un livre de prose, elles contesteront le credo ".
La piété, des études solides, des jeux, des rires, un amour familial seront les composantes de la jeunesse de Marguerite.
En 1509, elle épouse en premières noces le duc d'Alençon Charles IV. Elle a dix-sept ans et demi et depuis l'âge de huit ans les prétendants se sont succédé: le marquis de Montferrat, Arthur, prince de Galles, Henri d'York, le duc de Calabre, Christian de Danemark. Un procès opposait les maisons d'Angoulême et d'Alençon: le mariage permet d'éteindre ce vieux différend. La vie au château d'Alençon ne fut certainement pas joyeuse " ... enfermée dans un sombre château médiéval, entre une belle-mère très pieuse, et un mari illettré, d'esprit militaire. "
Entre 1515 et 1518, la situation matérielle de Marguerite s'améliore nettement: cadeaux du roi, bals, fêtes... car son frère cadet, François de Valois-Angoulême, est monté sur le trône de France en 1515 (sous le nom de François Ier) à la mort de Louis XII. Marguerite remplace même dans les cérémonies officielles la reine Claude, première épouse du roi, pendant la grossesse de celle-ci. Clément Marot, son valet de chambre, nous la décrit ainsi: "corps féminin, cœur d'homme, tête d'ange ".
De 1521 à 1524, la correspondance de Marguerite avec l'évêque de Meaux, Briçonnet, nous permet de mieux cerner l'évolution de sa spiritualité. Marguerite s'apprête à accepter la devotio moderna sans se laisser déraciner. " Comme le Cénacle de Meaux - Briçonnet, Arande et Roussel -, elle appartiendra bientôt à ces girondins de la Réforme, condamnés par les extrémistes des deux camps, les traditionalistes et les révolutionnaires. Elle restera prise entre l'arbre de l'obéissance et l'écorce de l'intolérance ".
- 1521, Lefèvre d'Etaples sera secouru par le roi après la condamnation par la Sorbonne de son livre les Trois Maries.
- 1522, Marguerite se retrouvera suspectée d'hérésie après les Commentaires sur les quatre Evangiles de Lefèvre d'Etaples.
- 1523, la Sorbonne profite des difficultés diplomatiques du roi pour s'attaquer au Cénacle. Le Conseil du roi permettra aux réformistes d'échapper aux poursuites.
- 1524, la paix entre la France et le Saint-Siège oblige Briçonnet à faire marche arrière et à dissoudre le Cénacle. Marguerite recevra une aide morale chaleureuse de Briçonnet quand elle vivra des deuils successifs. Elle montrera aussi son acceptation du réformisme: certaines de leurs thèses se retrouvent dans sa première œuvre: Dialogue en forme de vision nocturne. L'influence de Meaux se fera sentir tout au long des années qui suivent.
1525, année terrible: Marguerite, qui est installée dans l’abbaye de Saint Juste à Lyon, apprend la défaite de Pavie. Son frère François Ier y est fait prisonnier. Quant à Charles d'Alençon, son époux, il a réussi à prendre la fuite après la bataille et à rejoindre Lyon, mais il mourra (de honte !) en avril 1526.
C'est Marguerite qui sera désignée par Louise de Savoie, pour négocier, en Castille, avec l'empereur Charles Quint, la libération du roi François. Mais l'empereur et son chancelier, Mercurin de Gattinerane, ne veulent pas entendre parler de rançon: ce qu'ils exigent c'est la rétrocession de la Bourgogne dont Charles Quint est théoriquement héritier par sa grand-mère. La mission de Marguerite échoue donc, mais elle a permis d'apporter à son frère un précieux réconfort.
En 1527, veuve et sans enfant elle se remarie à Henri II d'Albret, roi de Navarre. La voilà reine, mais d'un royaume de Navarre amputé de sa partie sud, située au delà des Pyrénées et que son puissant voisin espagnol Ferdinand le Catholique avait annexé (21 juillet 1512) au nom de son épouse Germaine de Foix.
En 1528, le 16 novembre Marguerite accouche, au château de Saint-Germain-en-Laye, d'une fille, Jeanne, qui sera la mère d’Henri de Bourbon, futur roi Henri IV.
Marguerite entre dans une période de deuils ; en 1530 décès à l’âge de six mois de son fils Jean de Navarre, prince héritier du royaume de Navarre, (Blois 15 juillet – Alençon 25 décembre 1530) ; en 1531 elle perd sa mère, Louise de Savoie. Les antagonismes religieux s'accroissent: la Sorbonne réagit au prêche de Gérard Roussel, un protégé de Marguerite, en condamnant Le Miroir de l'Ame Pécheresse. L'affaire des placards en 1534 amène le roi, son propre frère, à sévir contre les réformateurs que Marguerite protège. Par prudence, elle regagne alors ses Etats du sud-ouest puis parcourt le midi de la France.
Marguerite tente la voie de la conciliation avec l'empereur Charles Quint pour récupérer ses territoires au sud des Pyrénées: les conférences se succèdent à Nice et à Aigues-Mortes, les gestes de bonne volonté, les projets d'union de Jeanne avec l'infant Philippe (futur Philippe II). C'est un échec tout comme son opposition au puissant connétable Anne de Montmorency.
Marguerite, au fur et à mesure que son influence politique décline, voit son rôle de protectrice des lettres augmenter. On peut en juger par le nombre croissant d'œuvres qui lui sont dédicacées: Nicolas Bourbon, Jean Salmon, Paul Paradis, Etienne Dolet, Vauzelles, Salel, Nicolo Martelli, Bandello, l'Arétin, Luigi Alamanni.
Dès la fin 1542 elle retourne sur ses terres: elle partagera son temps entre la composition de l'Heptaméron (recueil inachevé de 72 nouvelles: l'histoire se déroulant sur sept journées, publié après sa mort) et les responsabilités du pouvoir en l'absence de son mari. Un bref retour à la cour à partir de janvier 1545: elle aura à assumer les décès du troisième fils du roi, son neveu Charles, duc d’Orléans (19 septembre 1545) puis celui de son frère, le roi François Ier (3 mars 1547). Elle se retire du monde pendant quatre mois au prieuré de Tusson en Charente.
En octobre 1548 sa fille Jeanne, après bien des péripéties, se marie, à Moulins, avec Antoine de Bourbon-Vendôme, " premier prince du sang ". Marguerite a tout tenté pour éviter cette union, mais en vain. Elle retrouvera le Béarn pour quelques mois et s'essaiera aux bienfaits du thermalisme à Cauterets.
Elle décède le 21 décembre 1549 d'une inflammation des poumons due au froid de la nuit dans son parc du château d’Odos La reine meurt seule, son mari arrive trop tard. Les obsèques seront célébrées le 10 février 1550 en la cathédrale Notre-Dame-de-l ‘Assomption de Lescar, nécropole des rois de Navarre.