Pierre Laval (1883-1945)
Homme politique français
Pierre Laval, né le 28 juin 1883 à Châteldon dans le Puy-de-Dôme et fusillé le 15 octobre 1945 à la prison de Fresnes dans le département de la Seine (actuellement Val-de-Marne), est un homme politique français.
Plusieurs fois président du Conseil sous la Troisième République, il est, immédiatement après Philippe Pétain, la personnalité la plus importante de la période du régime de Vichy et le principal maître d’œuvre de la politique de collaboration d’État avec l’Allemagne nazie.
Ayant puissamment aidé à la fondation de l’État français, il est vice-président du Conseil et dauphin désigné du maréchal jusqu’à son éviction soudaine le 13 décembre 1940. Il revient au pouvoir avec le titre de chef du gouvernement, du 18 avril 1942 au 19 août 1944. En fuite à la Libération, puis arrêté, il est condamné à mort pour trahison par la Haute Cour de justice et fusillé le 15 octobre 1945.
Pierre Laval est originaire d’une famille modeste de la petite bourgeoisie. Il est le fils de Gilbert, aubergiste et commerçant de chevaux à Châteldon et de Claudine Tournaire. Son ascension sociale lui permit en 1931 de racheter le château du bourg où il est né en 1883. De ses origines populaires, Laval garda toute sa vie un parler direct et familier, volontiers badin, souvent très croustillant, dont témoignent de multiples propos rapportés par ceux qui l’ont rencontré. Cela ne doit pas dissimuler son bagage culturel acquis. Pour pouvoir payer ses études, il est pion dans divers lycées de la région lyonnaise. Il obtient son baccalauréat puis une licence en sciences naturelles avant d’opter pour le droit, de s’installer à Paris comme avocat en 1907 et entrer en franc-maçonnerie, probablement au grand Orient.
La fin de la IIIème République et la naissance de l’État français
La défaite de 1940 fournit à Laval l’occasion de revenir au pouvoir. Le 2 septembre 1939, le sénateur Laval vote les crédits militaires, mais intervient en séance pour préconiser un appel à une médiation italienne qui pourrait sauver la paix et, pendant la drôle de guerre, il reste sur la position qu’une médiation italienne pourrait permettre de sortir de la guerre. Après la nomination à la tête du gouvernement de Paul Reynaud, ferme partisan de la guerre, Laval se rapproche de Daladier auprès de qui il confie qu’une politique pacifiste telle qu’il pourrait la mettre en œuvre ne pourrait se faire que sous l’égide de Pétain. Après le succès de l’offensive allemande, les pourparlers échouent pour son entrée dans le gouvernement Pétain formé le 16 juin 1940, mais il fait son entrée au gouvernement, après l’armistice, le 23 juin 1940 avec le portefeuille de la Justice.
Le Gouvernement et l’Assemblée étant repliés à Vichy, à partir du 1er juillet 1940, Laval est le principal acteur de l’opération qui va aboutir au vote des pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain par le biais de la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940. Deux jours plus tard, le 12 juillet 1940, Laval est appelé par Pétain comme vice-président du Conseil, le maréchal restant à la fois chef de l’État et du Gouvernement.
Le premier gouvernement du régime de Vichy
Avec le titre de vice-président du Conseil et de secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Laval joue du 10 juillet 1940 au 13 décembre 1940 un rôle de première importance dans le domaine de la politique étrangère mais reste passif devant la mise en place de la Révolution nationale, ce qui ne l’empêche pas de signer tous les décrets du gouvernement. À ses yeux, la Révolution nationale apparaît comme une péripétie, à la rigueur commode, alors que la collaboration avec l’Allemagne est la grande politique à laquelle il doit attacher son nom.
Laval développe des rapports très étroits avec Otto Abetz, ambassadeur allemand en France. Jouant de son image de francophile, ce dernier le persuade un peu plus, tout à fait à tort, que le Führer est prêt à tendre la main au vaincu et à réserver à la France une place privilégiée dans l’Europe sous domination nazie. Le 22 octobre 1940, Laval rencontre Adolf Hitler à Montoire-sur-le-Loir et propose que les deux pays s’allient très étroitement. Deux jours après, il organise l’entrevue retentissante de Montoire-sur-le-Loir, où la poignée de main symbolique entre Hitler et Pétain engage la France dans la collaboration d’État.
Laval rencontre Hermann Göring, le 9 novembre, et souhaite engager la France de manière irréversible dans la collaboration avec l’Allemagne. Par la suite, à l’initiative d’Abetz, des rencontres au sommet ont lieu, rencontres qui laissent penser à une évolution vers la collaboration militaire et auxquelles participent, d’abord le 29 novembre à Wiesbaden, avec Laval et Abetz, des militaires Allemands et Français (dont Huntziger et Darlan) ; réunion suivie par celle du 10 décembre, à l’ambassade d’Allemagne à Paris, dont le but est d’organiser une reconquête commune du Tchad, passé aux gaullistes sous l’impulsion de son gouverneur, Félix Éboué.
Laval multiplie par ailleurs les gestes de bonne volonté, sans contrepartie aucune ni demandée ni obtenue. Ainsi, le 29 novembre 1940, il livre à l’Allemagne l’or de la Banque nationale de Belgique, confié par Bruxelles à la France. Il lui cède les participations françaises dans les mines de cuivre de Bor (Yougoslavie), les plus importantes d’Europe à produire ce métal hautement stratégique. Il envisage le retour du gouvernement à Paris.
La chute (13 décembre 1940)
De juillet à décembre 1940, Laval mène une politique de collaboration active, avec le projet d’alliance avec l’Allemagne nazie qui inquiète certains membres de son gouvernement. Mais surtout, Laval agit trop indépendamment au goût de Pétain, jaloux de son autorité, et considère que son impopularité auprès de la masse des Français risque à terme de rejaillir sur le régime. Enfin, c’est le dernier parlementaire à siéger encore au gouvernement, et il déplaît aux tenants de la Révolution nationale comme vestige de la République honnie.
Le 13 décembre 1940, Philippe Pétain limoge brusquement Laval, et le remplace par Flandin puis par Darlan, lequel poursuit d’ailleurs sans grand changement la politique de collaboration et renforce le caractère autoritaire du régime. Laval est brièvement arrêté, mais Otto Abetz intervient pour le libérer et l’emmène à Paris, où il vit désormais sous la protection de l’armée allemande. Ce limogeage n’empêche pas Pierre Laval de continuer à participer à la vie publique et politique.
La fin. Dernière tentative
En août 1944, les Alliés approchant de Paris, Laval craint que Pétain essaie de traiter avec Eisenhower, voire De Gaulle (tentative de l’amiral Auphan) et lui laisse le mauvais rôle ; il décide de se rendre dans la capitale afin de réunir l’ancienne Assemblée nationale dans le but de lui remettre le pouvoir et de barrer ainsi la route aux communistes et à De Gaulle. À cette fin, le 12 août, il va chercher, avec l’accord d’Otto Abetz, Édouard Herriot (président de la Chambre des députés), à Maréville près de Nancy et le ramène à Paris avec son assentiment. Puis il fait contacter Jules Jeanneney (président du Sénat), qui ne répond pas. Herriot, dans un premier temps favorable au plan de Laval, temporise et finit par refuser de décider en l’absence de Jeanneney. Les Allemands ayant changé d’avis, après intervention des ultra-collaborationnistes, Marcel Déat et Fernand de Brinon, décident de se saisir de Laval et des restes de son gouvernement pour assurer sa sécurité légitime et arrêtent Herriot.
Le 17 août 1944, Laval, malgré ses protestations, est emmené par les Allemands, comme Pétain (le 20 août), à Belfort puis à Sigmaringen en Allemagne. Dès cette date, Laval, comme Pétain, se considère otage du Troisième Reich et n’aura aucune activité politique durant son exil.
La fuite
À l’approche de la 1re armée du général de Lattre en février 1945, Laval commence à organiser sa fuite. Après s’être vu refuser un asile temporaire en Suisse le 25 avril 1945, le temps qu’il juge nécessaire à préparer sa défense, il se réfugie en Espagne et arrive à Barcelone le 2 mai 1945, où, conformément aux conditions posées par Franco à son séjour sur le sol espagnol, il est interné pour trois mois et, le 2 août, remis au gouvernement provisoire français présidé par le général De Gaulle, non sans qu’entre temps les autorités espagnoles récupèrent dans ses bagages des documents compromettants (une lettre de Franco de 1939 et des documents sur la Légion Azul en Russie).
Le procès
Laval comparait devant la Haute Cour de justice le 5 octobre 1945. Particulièrement inconscient de la gravité des actes qui lui sont reprochés, Laval parlait fréquemment à ses proches du jour où il reprendrait sa carrière politique. Il semblait sincèrement persuadé de pouvoir encore convaincre ses juges du bien-fondé et de la nécessité de sa politique. La haine générale accumulée contre lui pendant l’Occupation éclate au grand jour à son entrée dans le box des accusés : très vite, Laval est hué et insulté par les jurés (dont plusieurs sont d’anciens collègues au Parlement, qu’il s’est pris inconsidérément à tutoyer familièrement), il est de fait empêché de parler et de se défendre. Devant la partialité du jury qui le menace, par exemple, de douze balles dans la peau, il refuse de continuer à assister à son procès, et la défense refuse de plaider en signe de protestation. La presse résistante elle-même condamne le naufrage pénible du procès. Le général De Gaulle reçoit la visite des avocats de Laval, Jacques Baraduc, Albert Naud et Yves-Frédéric Jaffré. Il sollicite l’avis de son ministre de la Justice, suite à quoi il se refuse à ordonner un second procès. Laval est condamné à mort le 9 octobre 1945 pour haute trahison et complot contre la sureté intérieure de l’État, à l’indignité nationale et à la confiscation de ses biens. Il avait refusé que ses avocats demandent sa grâce.
L’exécution
Alors qu’il avait tenté de se suicider le jour de son exécution en avalant une capsule de cyanure, les médecins lui firent deux piqûres de camphre, puis procédèrent à un lavage d’estomac. Son état s’étant sensiblement amélioré, il fut amené devant le peloton d’exécution qui le fusilla le 15 octobre 1945, dans la cour de la prison de Fresnes, à proximité du château d’eau, en bordure du chemin de ronde. Son exécution, bâclée, se déroula à quelques pas des fenêtres de la troisième division dont les détenus huèrent le procureur général Mornet.
Il fut inhumé dans une fosse commune du cimetière parisien de Thiais. Le 15 novembre suivant, la famille ayant obtenu l’autorisation, il fut exhumé puis enterré au cimetière du Montparnasse où il repose avec sa femme Jeanne Laval (19 novembre 1888-10 décembre 1959) née Claussat, sa fille Josée et son gendre René de Chambrun.
Alors que huit demandes en révision du procès Pétain ont été rejetées, aucun défenseur de Vichy n’a pris la peine, ou le risque, de demander la révision du procès de Laval. Seule la famille de Laval et en particulier son gendre René de Chambrun, mari de sa fille unique Josée et ardent défenseur de sa mémoire, milita pour sa réhabilitation, mais en pure perte.