Philippe d'Orléans, « le Régent » (1674-1723)

Régent du Royaume de 1715 à 1722

Le Régent Philippe d'Orléans par Jean-Baptiste Santerre en 1717

1 - La délicate succession de Louis XIV (septembre 1715)

Les derniers jours de Louis XIV furent marqués par la disparition de la plupart de ses héritiers, ce qui provoqua un imbroglio dynastique.

- Les héritiers de Louis XIV :

Au cours de sa vie, Louis XIV avait eu quatre fils avec son épouse Marie Thérèse d'Autriche. Tous moururent en bas âge, sauf l’aîné, Louis. Mais ce dernier mourut le 14 avril 1711, laissant trois fils derrière lui : Louis duc de Bourgogne, Philippe duc d'Anjou et futur roi d'Espagne sous Philippe V et Charles duc de Berry.

Louis, l’aîné, mourut le 19 février 1712. Ce dernier avait eu trois enfants avec son épouse Marie Adélaïde de Savoie, tous nommés Louis, mais seul le troisième avait jusque-là survécu. Le dauphin et héritier du trône était donc l’arrière-petit-fils de Louis XIV.Les héritiers de Louis XIV

Cet enfant, né en février 1710, était de santé fragile ; s’il mourrait, Louis XIV était privé d’héritiers. Ses fils, petits fils et arrière-petit-fils étaient tous décédés, hormis Philippe, qui avait renoncé à ses droits sur la couronne de France en devenant roi d’Espagne sous le nom de Philippe V.

Devant cette hécatombe, le Roi Soleil avait promulgué une ordonnance en juillet 1714, faisant valoir les droits de ses fils illégitimes à la succession.

Cette décision scandalisa plusieurs grands du royaume, car jamais un bâtard n’était encore monté sur le trône de France. L’objectif inavoué de Louis XIV était d’empêcher Philippe d’Orléans, le fils de son frère Philippe, de s’emparer un jour du pouvoir.

- Le testament de Louis XIV :

Le 1er septembre 1715 au matin, Louis XIV mourut des suites d’une gangrène sénile, après avoir conseillé à son successeur de ne pas l’imiter dans son goût pour la guerre.

Le surlendemain, les proches du défunt souverain assistèrent à la lecture du testament. Louis XV devenait ainsi roi de France, sous la régence de Louis Auguste de Bourbon, duc du Maine, né en 1670, fils de Louis XIV avec Mme de Montespan. Louis Auguste de Bourbon, duc du Maine et son épouse, gravure de 1875Philippe d’Orléans, neveu du défunt souverain, ne recevait qu’une charge purement honorifique, la présidence du conseil de régence.

Mais rusé et prévoyant, Philippe d’Orléans avait contracté une alliance avec le Parlement de Paris bien avant la mort du roi, sachant que son oncle ne lui serait jamais favorable.

Contre la promesse de réintroduire les parlementaires au sein du pouvoir royal, ces derniers acceptèrent de casser le testament de Louis XIV dès le 4 septembre.

Le 15, Philippe d’Orléans fut alors nommé régent au détriment du duc du Maine, et en échange restitua au Parlement de Paris son "droit de remontrance" (droit invoqué lors de l’enregistrement d’un édit contraire aux intérêts du roi ou du peuple). Il mit en place le système de la "polysynodie", remplaçant chaque ministre du roi par un conseil, composé des représentants de la noblesse. Système innovant, mais finalement décevant. Enfin, la Cour fut transportée de Versailles jusqu’au palais des Tuileries, dans l’objectif de se rapprocher des Parisiens.

Philippe d’Orléans, grâce à son alliance avec le Parlement de Paris, était parvenu à s’emparer du pouvoir, mais ses diverses mesures, visant à satisfaire aussi bien les parlementaires que les aristocrates, ne furent guère profitables au royaume de France.

2 - La première moitié de règne de Philippe d’Orléans (1715 à 1720)

Dès le début de son règne, Philippe d’Orléans fut secondé par son ancien précepteur, le cardinal Guillaume Dubois.

Malgré le système pesant de la "polysynodie" et les contestations des parlementaires, les premières années de la régence furent plutôt positives.

- Le système de Law :

Lors de son arrivée au pouvoir, Philippe d’Orléans constata que les caisses de l’Etat étaient vides. Le déficit était alors de 80 millions de livres, et la dette, colossale, atteignait près de 3 milliards de livres, l’équivalent d’une dizaine d’années de recettes.

Le régent rencontra alors l’Ecossais John Law de Lauriston, ce dernier lui proposant de remplacer l’or contre du papier monnaie, afin de relancer l’activité économique du pays.John Law de Lauriston (1671-1729), banquier et économiste Ecossais

Law ayant beaucoup voyagé dans sa jeunesse, avait remarqué que les Vénitiens n’hésitaient pas à troquer du papier monnaie contre de l’or afin d’être moins chargés lors d’un voyage commercial. En mai 1716, Law reçut l’autorisation d’ouvrir une Banque générale, au capital de 6 millions de livres.

C’est ainsi que le système de Law fut mis en place. Le papier monnaie, plus maniable, circula donc plus aisément, ravivant l’économie. Au bout d’un an, les actionnaires reçurent des dividendes de 7%, et Law décida alors de se lancer dans des opérations plus importantes. Il obtint à son profit la création d’une Compagnie d’occident, chargée d’exploiter les ressources des territoires français en Amérique du nord. Law fut critiqué par le Parlement de Paris, ces derniers n’acceptant guère qu’un "étranger" participe de près ou de loin aux finances de l’Etat. En 1719, il se fit céder les droits de la Compagnie française des Indes orientales, récoltant ainsi d’importants bénéfices.

Nommé contrôleur général des finances en janvier 1720, Law constata que certains actionnaires spéculaient à la baisse sur le cours des actions. Il décida de mettre en place des mesures coercitives, interdisant la possession de plus de 500 livres de métaux précieux par foyer, afin d’encourager la diffusion du papier monnaie.

- La guerre contre l’Espagne :

Depuis la fin de la guerre de succession d’Espagne, le souverain espagnol Philippe V, petit fils de Louis XIV, ne cessait de se rapprocher de l’Angleterre. Philippe d’Orléans souhaitait lui aussi se rapprocher des Anglais, pensant qu’un traité commercial entre les deux pays ne pouvait qu’être favorable aux finances du royaume de France. Mais la présence de Jacques III, en exil en France et prétendant au trône d’Angleterre, perturba pendant plusieurs mois les négociations.Philippe V d'Espagne (1683-1746) par Nicolas Vaccari ,Galerie Alberoni, Piacenza

Un accord fut finalement trouvé entre la France, l’Angleterre et les Provinces Unies, les trois pays formant la Triple Alliance en octobre 1716. Pierre Ier le Grand, tsar de Russie, alors en froid avec l’Angleterre, vint à Paris en mai 1717, tentant de s’allier avec la France contre les Anglais. Le régent refusa toute négociation avec le russe.

Au même moment, un incident diplomatique éclata entre Philippe V et l’Empereur germanique Charles VI. Lors d’un voyage en Italie, le grand inquisiteur d’Espagne fut arrêté sur ordre de l’Empereur. En août, Philippe V décida alors de répliquer en s’emparant de la Sardaigne (août 1717).

L’année suivante, malgré la médiation de la France, le conflit entre l’Espagne et le Saint Empire romain germanique n’était toujours pas réglé. Philippe V ayant refusé de négocier, Charles VI décida alors de rejoindre la Triple Alliance (août 1718).Portrait de l'Empereur Charles VI (1685-1740) en armure avec l'Ordre de la Toison d'or et la couronne du Saint Empire romain germanique

Au même moment, les Anglais détruisirent une flotte espagnole qui se trouvait non loin de Syracuse, en Sicile et une conspiration dite "de Cellamare" se tramait dans le dos de Philippe d’Orléans. Le duc du Maine et son épouse Anne Louise, marris d’avoir été évincés suite à la prise de pouvoir du régent, avaient donc décidé de comploter contre ce dernier.

Se rapprochant de Philippe V (ce dernier n’avait pas perdu espoir de monter sur le trône de France à la mort de Louis XV, voire même d’y placer un de ses fils.), les conjurés furent néanmoins découverts en décembre 1718. L’opinion publique, indignée par l’affaire, réclama alors la guerre contre l’Espagne.

L’Angleterre, qui en attaquant la flotte espagnole sur les côtes de la Sicile avait été la première à prendre part au conflit, déclara la guerre à l’Espagne en décembre 1718, suivie quelques jours plus tard par la France en janvier 1719. L’armée royale, commandée par Jacques 1er Fitz-James, duc de Berwick-upon-Tweed, traversa les Pyrénées sans rencontrer de résistance, progressant dans le nord de l’Espagne. Buste de Jacques 1er de Fitz James, duc de Berwick (Château de Versailles)Au même moment, en août 1719, des Bretons hostiles au régent décidèrent d’ourdir un complot contre Versailles. Philippe V leur promit alors une aide financière.

Alors que Berwick s’était emparé de Saint Sébastien et faisait brûler des navires espagnols non loin de Bilbao, les Bretons attendaient toujours l’aide de Philippe V. En septembre 1719, le complot fut toutefois éventé, et les rebelles furent arrêtés. A la fin de l’année, après s’être emparé d’Urgel, Berwick dut abandonner Rosas faute d’effectifs suffisants. Il se replia alors vers le Roussillon, où il prit ses quartiers d’hiver.

En février 1720, Philippe V, dépité par ces multiples revers, décida alors de mettre en place des pourparlers afin de mettre un terme au conflit. Bien que les Anglais refusèrent de lui restituer Gibraltar, dont ils s’étaient emparés lors de la guerre de succession d’Espagne, Philippe V accepta  de faire la paix.

En juin 1721, France et Espagne décidèrent de nouer une alliance matrimoniale, fiançant le jeune Louis XV et Marie Anne Victoire de Bourbon, fille de Philippe V ; ainsi que Louis, le fils aîné du roi d’Espagne et Louise Elisabeth, fille du régent. Par Jean François de Troy portrait en pied de Louis XV avec sa fiancée Anna Maria VictoriaL’échange se fait en grande pompe en 1722 sur un îlot de la Bidassoa. Mais la bonne idée tourne court : trop jeunes, les mariés s’ignorent, et ne jouent pas le jeu. Les uns par manque de maturité, les autres par esprit de révolte… Au bout de trois ans d’indifférence et de souffrance, les fillettes, l’espagnole et la française, finiront par regagner leurs châteaux d’origine… Cet "échange des princesses" ne se fera pas.

3 - La seconde moitié de règne de Philippe d’Orléans (1720 à 1723)

Bien que n’ayant pas rencontré de difficultés au cours des premières années de la régence, Philippe d’Orléans ne tarda guère à se trouver confronter à plusieurs problèmes d’importance.

Au cours de l’été 1720, le système de Law fit faillite, les actions ne cessant de baisser. De nombreux particuliers tentèrent ainsi de se débarrasser de leurs billets alors qu’au même moment, les grands du royaume rentrèrent dans la banque afin d’y retirer d’importantes sommes d’or. Suite à cet évènement, des émeutes éclatèrent devant la banque, contraignant l’établissement à faire faillite.

A la fin de l’année, les billets de banque furent supprimés, le système abandonné, et Law se réfugia à Venise.

Près de deux millions de personnes avaient été séduites par le système de Law, soit environ 10% de la population française. Les petits épargnants furent entièrement indemnisés, les plus aisés furent au moins remboursés en partie, mais les spéculateurs furent frappés d’amendes.

Au final, bien que s’achevant sur un échec, le système de Law permit à la régence de renflouer les caisses de l’Etat et de dynamiser le commerce extérieur, surtout vers les colonies. La banqueroute de la Banque générale rendit la France particulièrement méfiante à l’égard du papier monnaie.

- La peste à Marseille :

En 1720, un autre évènement vint bouleverser le règne de Philippe d’Orléans : la peste de Marseille. L’épidémie fut dramatique non car elle frappa la cité par surprise, mais en raison du fait qu’elle se répandit par négligence et l’appât du gain des dirigeants de la ville.La peste dans Marseille, gravure  de 1875

En  mai 1720, un navire en provenance de Syrie, transportant des étoffes précieuses mais suspecté de porter le virus de la peste, accosta au port de Marseille. Afin d’éviter une quarantaine qui aurait empêché de vendre les étoffes à la foire de Beaucaire, il fut alors décidé par les échevins de placer l’équipage dans un dispensaire. Par la suite, les marchandises furent récupérées, et c’est ainsi que la maladie se répandit (les puces se trouvaient dans les replis des étoffes).

En juillet, la peste frappa 70 personnes, mais comme les autorités refusèrent de boucler la ville, le fléau tua près de 1 000 victimes par jour à partir de la fin du mois d’août. En septembre, les portes de Marseille furent finalement bouclées, mais l’épidémie s’était déjà répandue en Provence et dans le Languedoc.

Ce n’est qu’à partir de 1722 que la peste cessa de sévir. Mais l’épidémie avait frappé 40 000 personnes à Marseille, soit un tiers de la population, et près de 100 000 victimes dans les régions avoisinantes.

Philippe d’Orléans, alors en mésentente avec le Parlement de Paris et parfois hué par les Parisiens, décida alors du retour de la Cour à Versailles, en juin 1722.

C’est dans ce climat tendu que Louis XV fut couronné à Reims, le 25 octobre 1722. Par la suite, il fut déclaré majeur en février 1723 (à 13 ans et un jour). Philippe d’Orléans demanda alors au jeune souverain de bien vouloir lui accorder le poste de principal ministre, ce que Louis XV lui accorda sans hésiter.

La mort de Philippe d'Orléans, 2 décembre 1723, gravure de 1875Fatigué et en mauvaise santé, Philippe d’Orléans mourut peu de temps après, le 2 décembre 1723.

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